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Droit au mariage pour les ressortissants étrangers en situation irrégulière : nouvelle jurisprudence cantonale
Un Tribunal cantonal déclare l’art. 98 al. 4 CC inapplicable, parce que non conforme à l’article 12 CEDH et non susceptible d’une interprétation compatible avec le droit international
Abstract
Auteure : Fanny Matthey
Pertinence pratique
- Selon le Tribunal cantonal vaudois, l’art. 98 al. 4 CC, contraire à l’art. 12 CEDH, est inapplicable.
- L’Office d’Etat civil doit donc ouvrir une procédure de mariage même si une des personnes séjourne irrégulièrement en Suisse.
- L’arrêt du Tribunal cantonal vaudois est susceptible de recours auprès du Tribunal fédéral.
Le 30 septembre 2011, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois a rendu un arrêt dans lequel elle déclare l’art. 98 al. 4 CC inapplicable. La Cour constate qu’il y a un conflit entre cette disposition et l’art. 12 CEDH relatif au droit au mariage. Elle analyse dans un premier temps les règles applicables en cas de conflit entre une norme interne et une norme internationale et estime à l’issue de cet examen qu’il est possible de contrôler la conformité de l’art. 98 al. 4 CC à la CEDH, car les normes du droit international qui garantissent des droits de l’homme priment les lois fédérales.
L’art. 12 CEDH n’est pas absolu, mais ne peut souffrir de restrictions qui le videraient totalement de sa substance. Les empêchements au mariage doivent en outre répondre à un intérêt public général qui ne soit pas moins important que l’intérêt des parties au mariage. À ce titre, la Cour EDH a précisé dans un arrêt de 2010 (Affaire O’Donoghue c. Royaume-Uni) qu’une norme nationale peut avoir pour but d’empêcher les mariages contractés dans le but d’éluder les dispositions du droit des étrangers, mais ne doit pas être une règle qui exclut de manière générale, automatique et systématique la possibilité de se marier.
Après un examen détaillé de l’art. 98 al. 4 CC, le Tribunal cantonal est d’avis que cette disposition ne peut pas être interprétée comme permettant des exceptions. Elle exclut ainsi du mariage toutes les personnes séjournant irrégulièrement sur le territoire suisse et est, de par son caractère général, automatique et systématique, contraire au droit international tel qu’il est garanti par la CEDH.
En conséquence, le Tribunal cantonal a admis le recours et a renvoyé le dossier à l’Office de l’Etat civil lausannois pour qu’il ouvre une procédure de mariage pour les recourants, en vérifiant, le cas échéant, si les conditions de l’art. 97a CC sont remplies.
L’arrêt du Tribunal cantonal vaudois est susceptible de recours auprès du Tribunal fédéral.