Livres et brochures

Egalité entre femmes et hommes dans le contexte migratoire

Tutelle ou émancipation ?

Abstract

Un ouvrage édité par Christina Hausammann et Walter Kälin dans la collection d’ouvrages du Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH).

Publié le 05.06.2014

Pertinence pratique :

  • L’ouvrage invite à nuancer les représentations encore trop souvent stéréotypées des migrantes. Il décrit pour ce faire l’évolution, l’ampleur et les caractéristiques de la migration féminine aujourd’hui à l’aide de statistiques récentes.
  • Y sont analysées les dimensions de genre dans les mesures d’intégration concrètes ainsi que dans la Loi sur l’intégration.
  • Une réflexion critique est proposée sur les nouvelles normes légales introduites dans le Code civil concernant la lutte contre le mariage forcé et les démarches, en droit pénal, contre les mutilations génitales.

L’importance de la migration féminine a longtemps été sous-estimée. Aujourd’hui, alors que le phénomène migratoire augmente et se complexifie, les femmes restent peu visibles dans les débats sur la migration en Suisse et les recherches qui se consacrent spécifiquement à la situation des migrantes en Suisse sont rares. Lorsque la question est abordée, c’est souvent pour considérer les femmes migrantes comme des victimes qu’il s’agit d’émanciper.

Remettre en cause les stéréotypes

L’ouvrage édité dans la collection du Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH) se présente sous forme de recueil d’articles qui invitent à nuancer cette vision et à remettre en cause les stéréotypes existant sur les migrantes en éclairant diverses facettes de la question des femmes dans la politique migratoire en Suisse. Au travers des différentes contributions d’expert-e-s sur les questions de migration et de genre, l’ouvrage aborde ainsi quelques unes des thématiques qui animent les débats actuels dans le domaine. Il dresse notamment un état des lieux sur quand et comment les spécificités liées aux genres sont prises en considération dans la politique migratoire. Y sont analysées également les dimensions liées au genre dans les mesures d’intégration concrètes ainsi que dans la Loi sur l’intégration. Enfin, l’ouvrage propose une réflexion critique sur les nouvelles normes légales introduites dans le Code civil concernant la lutte contre le mariage forcé et les démarches entreprises, en droit pénal, contre les mutilations génitales.

Comme le titre le suggère d’emblée, de nombreuses questions se posent en termes de tensions existant entre une volonté affichée par les autorités, le législateur et les politiques, d’émanciper les migrantes de leur «environnement traditionnel» et l’effet discriminant qui peut en découler pour les migrantes elles-mêmes. Ainsi l’ouvrage «Egalité entre femmes et hommes dans le contexte migratoire - Tutelle ou émancipation?» a pour objectif de mettre en évidence les éléments nécessaires à une égalité entre femmes et hommes dans le contexte migratoire. Egalité qui, à son tour, s’avère indispensable pour une intégration réussie des migrantes dans la société suisse.

Genre et migration: un point sur la situation

Dans une première partie, l’ouvrage dresse la toile de fond pour une discussion sur les questions de genre dans le contexte migratoire en Suisse. Dans un chapitre introductif, les éditeurs Walter Kälin et Christina Hausammann esquissent le cadre, du point de vue des droits fondamentaux, d’une égalité (de genre) dans le contexte migratoire. Ils décrivent les problèmes que posent les politiques actuelles sur la migration et décrivent, notamment, la question qui anime depuis longtemps les débats sur l’intégration et qui concerne les tensions existantes entre le droit à la liberté et à la différence de chacun-e - garanti par les droits fondamentaux - et une égalité de traitement et une égalité des chances – également garanties par les droits fondamentaux. En prenant en considération la dimension du genre, les auteur-e-s mettent ainsi en exergue un dilemme pour lequel une solution standardisée n’existe pas tout en y amenant quelques éléments de réponse.

Si depuis quelques années les questions de genre ou même une féminisation de la migration font l’objet de débats publics et scientifiques, l’image des migrantes repose encore souvent sur des représentations stéréotypées qui ne reflètent pas toute la réalité migratoire suisse. Dans le chapitre « Geschlechterdimensionen der Migration in der Schweiz » (Les dimensions du genre dans la migration en Suisse) Brigitte Schnegg décrit l’évolution, l’ampleur et les caractéristiques de la migration féminine aujourd’hui à l’aide de statistiques récentes. Elle met, entre autres, en évidence les raisons d’une migration spécifiquement féminine et explique en quoi ces raisons, souvent différentes de celles des hommes, influent sur le droit de séjour des femmes. Elle souligne également l’existence de tout un pan de la migration féminine largement ignoré par les discours, à savoir celle de femmes qualifiées travaillant dans des positions cadres en Suisse. Le chapitre de Brigitte Schnegg vient ainsi contester une représentation stéréotypée des migrantes et dresse un portrait nuancé et multiple de la migration féminine en Suisse.

Dimensions de genre et intégration

Dans un deuxième temps, l’ouvrage aborde la question de l’intégration dans la perspective des sciences sociales et propose une approche critique de la Loi sur l’intégration. Dans la contribution «Geschlechterspezifische Dimensionen von Integrationsmassnahmen» (Dimensions de genre dans les mesures d’intégration), Nicole Wichmann met en lumière les caractéristiques de mesures d’intégration adressées spécifiquement aux migrantes et explicite les différentes approches existantes à l’aide des données disponibles sur la situation des migrantes en Suisse. Elle constate que certaines mesures d’intégration renforcent une répartition traditionnelle des rôles entre femmes et hommes. L’auteure amène quelques pistes pour expliquer ce défaut d’égalité des chances dans la politique d’intégration.

Alberto Achermann, dans le chapitre «Geschlechterspezifische Dimensionen der Integrationsgesetzgebung» (Dimensions de genre dans la Loi sur l’intégration), se penche sur une analyse des dispositions sur l’intégration et des exigences d’intégration (notamment dans le cadre du regroupement familial). Il démontre dans quelle mesure la Loi fédérale sur les étrangers a des effets spécifiques selon le genre et met en avant le fait que de nombreuses questions concernant la Loi sur l’intégration restent ouvertes. Il remet en cause la pertinence de certains instruments, tels que les tests de langues, qui touchent plus particulièrement les migrantes issues d’Etats tiers. Ces exigences en matière d’intégration frappant différemment les migrantes et les migrants, explique-t-il, sont souvent justifiées, par les politiques, par la volonté de soutenir les femmes dans leur émancipation. Enfin, Alberto Achermann questionne la compatibilité des exigences en matière d’intégration avec le droit à la vie familiale.

Nouvelles législations

L’analyse critique de nouvelles législations touchant la population migratoire en Suisse fait l’objet d’une troisième partie de l’ouvrage. La contribution de Thomas Geiser sur l’interdiction du mariage forcé et celle de Martino Mona sur le nouvel article du Code pénal réprimant les mutilations génitales féminines (MGF) illustrent la manière dont la thématique du genre et de la migration est intégrée dans les nouvelles législations. Les deux auteurs exposent les effets parfois contradictoires de ces nouvelles normes légales.

Dans le chapitre sur l’interdiction du mariage forcé, Thomas Geiser expose la règlementation sur le mariage selon le droit international privé et explique que le droit civil suisse détient plusieurs instruments de protection contre le mariage forcé. Il fait néanmoins une critique de l’art. 99 al. 1 ch. 3 du Code civil, modifié le 1er juillet 2013 afin de lutter contre le mariage forcé. Il affirme que la nouvelle teneur de celui-ci, en vérité, ne réprime pas le mariage forcé mais pourrait, au contraire, le favoriser. Il explicite notamment en quoi l’examen durant la procédure préparatoire du mariage est affaibli par la modification de l’article, ouvrant ainsi la porte au mariage forcé.

Martino Mona, quant à lui, propose une analyse critique du nouvel art. 124 du Code pénal, entré en vigueur le 1er juillet 2012 et réprimant les mutilations génitales féminines (MGF). Le chapitre met en lumière les conséquences de la modification de la norme légale et démontre en quoi les thèses qui ont servi à son élaboration sont contradictoires ou même discriminantes. En montrant le caractère politisé des débats qui ont sous-tendu l’établissement de la nouvelle norme, Martino Mona fait ainsi le constat d’une tension entre les objectifs recherchés et une discrimination de fait des migrantes introduit par le nouvel article. Il dénonce une législation à double vitesse qui vise plus particulièrement les migrantes de pays africains et ignore, notamment, la question des opérations génitales pratiquées en Suisse.


Un ouvrage édité par Christina Hausammann et Walter Kälin dans la collection d’ouvrages du Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH).

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