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Le Tribunal fédéral exige la reprise de la procédure contre un policier

Arrêt du Tribunal fédéral 1B_687/2011 du 27 mars 2012

Abstract

Auteure : Anja Eugster

Publié le 02.05.2012

Pertinence pratique :

  • Sur la base des art. 13 Conv. torture, 10 al. 3 Cst. et 3 CEDH (interdiction de la torture) ainsi que de l’art. 2 CEDH (droit à la vie), il existe en cas de mauvais traitements ou d’homicide par la police un droit de recours contre les ordonnances de non-lieu du ministère public.
  • L’art. 14 Conv. torture ménage ce droit expressément aux survivants.
  • Lorsque des doutes concernant le déroulement des faits et de la qualification juridique d’un événement ne peuvent pas être complètement exclus, il faut engager l’accusation.

Le Tribunal fédéral a jugé Des policiers vaudois ont installé un barrage dans un tunnel routier afin d’arrêter deux voleurs fuyant dans une voiture volée. Alors que le véhicule arrivait à grande vitesse, un des policiers a ouvert le feu, abattant le passager.

Par la suite, les survivants ont déposé plainte contre le policier pour meurtre, homicide par négligence ou mise en danger de la vie d’autrui. Le ministère public compétent a toutefois classé la procédure. Confirmant cette décision, le Tribunal cantonal a jugé que le barrage avait été correctement installé, que l’usage de l’arme à feu était justifié et proportionné et que le policier avait agi en état de légitime défense et sans intention meurtrière.

Jugement

Dans le cadre du recours déposé par le survivant, le Tribunal fédéral a émis l'arrêt 1B_687/2011 du 27 mars 2012. Il y retient que l’art. 13 de la Convention contre la torture (Conv. torture) octroie d’une part un droit de plainte aux personnes qui affirment avoir été victimes de torture, de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et d’autre part un droit à l’examen immédiat et impartial de leur cause. Un recours peut être interjeté contre l'ordonnance de non-lieu sur cette base et selon les art. 10 al. 3 Cst. et 3 CEDH. Selon le Tribunal fédéral, ces exigences sont d’autant plus applicables dès lors que la question se pose de savoir si une victime est décédée à la suite d’un comportement présumé disproportionné d’un agent de l’Etat. Une telle obligation se déduit également de l’art. 2 CEDH (droit à la vie), qui exige dans de tels cas une protection juridique accrue.

Dans le cas concret, il est prouvé que l’intervention des agents de police a entraîné mort d’homme. Les questions de droit matériel comme la constatation d’une intention meurtrière ou la présence d’un motif justificatif ne sauraient être éclaircies dans le cadre de la recevabilité mais doivent faire l’objet d’une enquête pénale.

Le Tribunal fédéral expose en outre que l’art. 14 Conv. torture octroie expressément aux survivants la qualité de faire valoir ces droits. C’est pourquoi il est entré en matière sur le recours.

Selon le Tribunal fédéral, d’un point de vue matériel, le stade de la procédure où le ministère public statue sur la mise en accusation ou le non-lieu requiert l’application du principe «in dubio pro duriore», ce qui signifie qu’en cas de doute, il faut procéder à la mise en accusation. Comme dans le cas présent ils subsistent encore des questions concernant le déroulement des faits et la qualification juridique, ce principe doit être appliqué. En revanche, le principe «in dubio pro reo» n’est pas valable à ce stade.

Le Tribunal fédéral a ainsi renvoyé le cas au Ministère public afin que celui-ci, après complément d’instruction éventuel, procède à la mise en accusation auprès du tribunal compétent.

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