Études et rapports
La privatisation de l’exécution des peines
L'externalisation des tâches de sécurité policière est strictement limitée par la loi
Abstract
En Suisse, les mesures et peines privatives de liberté sont en principe exécutées dans des établissements publics, mais on observe aussi une tendance à la privatisation de certaines tâches relevant de l’exécution des peines. Or, une étude du CSDH montre que l'externalisation de l’exécution des peines à des privés est strictement limitée par la loi.
L’exécution des peines, une tâche fondamentalement publique
En Suisse, l’exécution des peines est considérée comme une tâche inaliénable de l’État, qui doit donc rester en mains publiques. La loi prévoit néanmoins des exceptions : les cantons ont le droit de confier à des institutions privées la semi-détention, le travail externe ainsi que les mesures thérapeutiques institutionnelles et ambulatoires. En outre, il est possible de déroger, en faveur des personnes détenues, au principe de l’exécution publique des peines, par exemple lorsque l’état de santé de ces dernières l’exige. La loi autorise même la réalisation de projets pilotes d’exécution des peines privatives de liberté dans des institutions privées. De plus, l'externalisation à des privés de certaines tâches relevant de l’exécution des peines, comme les soins de santé ou l’accompagnement spirituel est une pratique relativement courante dans les cantons et est en principe autorisée.
Le strict respect des droits humains, condition sine qua non de la privatisation
La jurisprudence de divers organes internationaux indique clairement que les États demeurent responsables du respect des droits humains, même lorsqu’ils confient une tâche à des privés. Le droit suisse pose lui aussi des limites à la privatisation de certaines tâches. En l’espèce, les critères déterminants sont les droits fondamentaux en jeu dans l’accomplissement de la tâche en question et son lien avec le monopole de la force détenu par l’État. En outre, toute privatisation doit se fonder sur une base légale, servir un intérêt public et respecter le principe de proportionnalité. S’il délègue des tâches publiques, l’État doit choisir les tiers privés sur la base de critères objectifs, en surveiller l’exécution et définir clairement le régime de responsabilité.
Feu vert pour les soins de santé, feu rouge pour les mesures de contrainte
Sur la base de ces principes, les auteur·e·s de l’étude « La privatisation de l’exécution des peines : un état des lieux juridique » dressent un tableau nuancé : si la privatisation des soins de santé et de l’accompagnement spirituel, par exemple, ne pose pour ainsi dire pas de problème, celle d’autres tâches s’avère plus délicate. Il en va ainsi du transport des personnes détenues, car ces dernières sont généralement attachées, et des tâches réalisées à l’intérieur des établissements pénitentiaires, car elles comportent régulièrement l’usage de la contrainte. Ces tâches, tout comme l’adoption et la réalisation de mesures disciplinaires, ne doivent pas être déléguées à des privés.
L’étude montre par ailleurs que l’externalisation de certaines tâches relevant de l’exécution des peines n’est pas suffisamment réglementée à l’échelon cantonal. Tandis que quelques cantons autorisent de façon générale cette délégation sans tenir compte des enjeux pour les droits fondamentaux, d’autres ne régissent même pas ce domaine.
L’exécution ordinaire des peines, une tâche pas entièrement transférable
La loi pose également des limites strictes s’agissant de la privatisation totale d’établissements pénitentiaires. La semi-détention, le travail externe ou l’administration de soins de santé aux personnes détenues peuvent se réaliser dans une institution privée, pour autant du moins qu’elle ne poursuive pas de but lucratif. Pour que la réalisation de mesures thérapeutiques dans des institutions privées soit licite, il faut que l’intégralité du traitement obéisse principalement à une logique médicale et que le personnel de l’institution soit soumis au code de déontologie médicale. En revanche, l’exécution ordinaire des peines privatives de liberté dans un établissement totalement privé est en règle générale illicite, car elle impliquerait l’externalisation de mesures disciplinaires et d’autres tâches qui requièrent l’usage de la contrainte, une compétence réservée à l’État.