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La Suisse accorde peu d’attention à la procédure internationale devant le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes CEDEF

Remarques à propos de la jurisprudence du CEDEF et son importance pour la Suisse

Abstract

Auteure : Christina Hausammann

Publié le 27.06.2012

Pertinence pratique :

  • Dans diverses décisions, le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes confirme les obligations de protection des Etats à l’égard des femmes.
  • La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ainsi que la procédure de communication de la CEDEF ratifiée par la Suisse en 2008 méritent plus d’attention en Suisse.
  • Le guide publié par la Commission fédérale pour les questions féminines aide les avocat-e-s, les tribunaux et les services de consultation juridique à utiliser la Convention CEDEF.

Le protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes du 6 octobre 1999 a créé la possibilité d’adresser dans un cas concret une requête (dite «communication») au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF). Ce protocole a été ratifié par 104 Etats, dont la Suisse.

Depuis l’entrée en vigueur du protocole le 22 décembre 2000, seules 27 communications émanant de 16 Etats ont été enregistrées par le CEDEF. Il en a déclaré 11 irrecevables. Prenant une décision matérielle dans 10 cas, il a constaté dans 9 d’entre eux une atteinte à la Convention. Les décisions positives concernaient le plus souvent le défaut de protection de l’Etat ou le refus discriminatoire de prestations étatiques.

Les cas soumis au CEDEF

En 2011, le Comité de la CEDEF a traité 4 cas dans lesquels il a constaté une discrimination de la part les Etats concernés et par conséquent une violation de la Convention, à l’art. 2 notamment, ainsi qu’aux art. 3 et 5 :

  • Dans le cas Abramova contre Biélorussie (Communication no 23/2009) le Comité a dû examiner le traitement des prisonnières en Biélorussie. La plainte émanait d’une journaliste qui avait été arrêtée à Minsk à l’occasion d’une action politique et qui avait été condamnée le jour suivant à une peine de 5 jours d’arrêt. La requérante se plaignait d'un traitement dégradant et humiliant en raison du personnel de prison exclusivement masculin ainsi que des conditions de détention inhumaines et dégradantes.
  • Dans le cas V.K. contre Bulgarie (Communication no 20/2008), la mère de deux enfants qui avait dû supporter des violences domestiques de la part de son mari durant une longue période, a reproché à l’Etat bulgare de ne pas lui avoir octroyé la protection adéquate contre l’auteur des violences.
  • Dans le cas Teixeira contre Brésil (Communication no 17/2008) une mère s’est plainte du refus d’accorder des soins médicaux adéquats à sa fille qui, enceinte de 6 mois, en était décédée après avoir mis au monde un enfant mort-né.
  • Datée du 17 octobre 2011, la plus récente décision (L.C. contre Pérou, Communication no 22/2009) concernait une jeune fille de 13 ans qui était devenue enceinte à la suite d’un abus sexuel commis par un homme de 34 ans. Ayant survécu à une tentative de suicide commise pour ces raisons, elle souffrait d’une lésion à la colonne vertébrale. L’hôpital n’avait pas fait droit à la demande d’interruption de grossesse pour des raisons médicales, bien que la loi péruvienne prévoie cette possibilité. La mère de la jeune fille s’était plainte entre autres du fait qu’il n’existait aucune procédure pour requérir une interruption de grossesse légale.

Constatant une violation de la Convention dans tous les cas précités, le Comité a engagé les Etats à payer une somme convenable au titre de réparation ou de dommages-intérêts. Il a par ailleurs a formulé des recommandations pour améliorer la situation juridique en invitant les Etats à faire dans les 6 mois un rapport sur leur mise en œuvre.

Pas de plainte émanant de la Suisse

Le Protocole facultatif est entré en vigueur en Suisse le 29 décembre 2008. Jusqu’à maintenant, il n’y a eu à notre connaissance aucune communication au CEDEF. En général, la Convention sur les droits des femmes est peu invoquée sur le plan interne dans les cas d’égalité et de discrimination, à tort comme le montre l’exemple de la décision du Tribunal fédéral concernant les mesures visant à l’égalité concrète dans le canton de Zoug (cf. article Lausanne parle un langage clair en ce qui concerne l’égalité – mais rejet du recours du 2 décembre 2011 dans la Newsletter du CSDH no 4). L’invocation des dispositions de la CEDEF en première instance déjà constitue une condition pour pouvoir s’adresser avec succès au CEDEF. Sinon ce dernier risque de déclarer la requête irrecevable en considérant que la condition de l'épuisement des voies de recours internes, condition requise par le Protocole facultatif, n’est pas remplie.

La Commission fédérale des questions féminines, qui entreprend depuis un certain temps de mettre en évidence l’égalité comme droit humain, souhaite mieux faire connaître cette voie de recours. Ainsi, elle a fait rédiger un guide d’informations sur la Convention des droits des femmes et son importance pour la pratique juridique en Suisse. Disponible en ligne, cet outil innovateur apporte une aide précieuse pour déposer une requête à toute personne engagée à titre professionnel en matière d’égalité.

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