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Uniformisation des réglementations sur les sorties et congés des concordats sur l’exécution des peines

Publication d’une nouvelle notice de la CCDJP sur les allégements dans l’exécution des peines et mesures

Abstract

Auteure : Anja Eugster

Publié le 27.06.2012

Pertinence pratique :

  • La notice présente une définition claire et uniforme du terme «allégements».
  • C’est l’autorité de placement qui est responsable de l’octroi d’un allégement.
  • Des règles spéciales sont prévues pour les détenus potentiellement dangereux pour la collectivité.

Contexte

En juin 2011, Jean-Louis B., détenu dans un établissement pénitentiaire neuchâtelois (concordat latin) et présentant un caractère dangereux pour la collectivité, est parvenu à prendre la fuite lors d’une sortie accompagnée. C’est le Canton de Berne (Concordat des cantons de la Suisse du Nord-Ouest et de la Suisse centrale), dans lequel le détenu avait été jugé, qui était alors responsable de l’exécution de la peine. Les autorités bernoises estimaient cependant que ces sorties ne correspondaient pas à des mesures d’allégement dans l’exécution des peines, mais à des sorties prévues «pour raisons humanitaires», dont seul était responsable l’établissement d’exécution.

Ce cas illustre bien les incertitudes et les différences d’interprétation qui peuvent surgir entre les concordats autour de la réglementation sur les congés et sorties dans l’exécution des peines et mesures, notamment en ce qui concerne les exécutions qui impliquent des cantons de concordats différents. C’est d’ailleurs ce qui a décidé la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) à émettre en mars 2012 une notice uniforme sur les allégements dans l’exécution des peines et mesures.

Notice du CCDJP

La notice du CCDJP définit de manière détaillée, en référence à l’art. 75a al. 2 du Code pénal (CP), ce que comprennent d’une part la notion d’allégement dans l’exécution et, d’autre part, celles de sortie et de congé (allégements dans l’exécution spécialement réglementés). Elle recommande en outre de manière explicite de renoncer aux allégements «pour raisons humanitaires».

L’octroi d’allégements dans l’exécution relève de la compétence de l’autorité de placement. Celle-ci peut déléguer à l’établissement d’exécution sa compétence d’octroi d’allégements dans l’exécution, à l’exception de la libération conditionnelle et tant que la personne détenue ne présente pas un caractère dangereux pour la collectivité. En cas d’urgence temporelle, c’est la direction de l’établissement d’exécution qui prend la décision.

L’autorité de placement est tenue de faire parvenir à l’établissement d’exécution toutes les informations importantes pour l’organisation de l’exécution de la peine. L'établissement doit de son côté déposer une demande écrite d’allégement dans l’exécution auprès de l’autorité de placement, à moins que la compétence d'octroyer des allégements dans l’exécution n’ait été préalablement déléguée. Cette demande doit contenir notamment les informations sur l’organisation concrète de l’allégement prévu ainsi que sur le respect du plan d’exécution. L’établissement d’exécution et, le cas échéant, le/la thérapeute compétent-e, sont tenu-e-s de prendre position quant à savoir si, à leur avis, les conditions pour l’octroi d’allégements sont remplies (p.ex. absence de risque de fuite et de risque de nouveaux délits). Et si des conditions ou des mesures d’accompagnement sont à prévoir.

La CCDJP traite plus particulièrement dans sa notice des délinquants potentiellement dangereux. L’octroi d’un éventuel allégement relève dans ce cas exclusivement de la compétence de l’autorité de placement, sauf en cas d’urgence temporelle. Celle-ci doit mener une analyse des risques concrets de fuite ou de commission d’une nouvelle infraction. Pour mener à bien cette analyse des risques, elle doit en outre intégrer dans certains cas la prise de position de la commission spécialisée, notamment lorsque la personne détenue est internée ou condamnée à une peine privative de liberté à vie. La commission spécialisée peut par ailleurs émettre des recommandations sur les conditions-cadres et les mesures d’accompagnement qui permettraient de réduire une éventuelle menace.

Il appartient à présent aux concordats d’examiner la conformité de leurs réglementations avec cette notice et, le cas échéant, de les adapter.

Recommandations européennes

Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe invite ses Etats membres à prévoir un système de congé pénitentiaire qui fasse partie intégrante du régime des détenus condamnés. Il recommande d’accorder le congé pénitentiaire, dans la plus large mesure possible, pour des raisons médicales, éducatives, professionnelles, familiales et d’autres raisons sociales. Cela en tenant compte notamment de la gravité de l’infraction, de la durée de la peine déjà subie, du risque représenté pour la société, ainsi que du but du congé, de sa durée et de ses modalités. Il invite en outre les Etats membres à faire bénéficier du congé pénitentiaire non seulement les personnes détenues dans les prisons ouvertes, mais aussi les personnes détenues dans les prisons fermées, ainsi que les délinquant-e-s faisant l’objet d’une mesure de sûreté. Il recommande en outre aux Etats membres de prendre des mesures pour garantir le congé pénitentiaire également aux personnes condamnées à perpétuité et aux autres détenu-e-s de longue durée.

La Suisse suit en grande partie ces recommandations. La nouvelle notice de la CCDJP crée une aide interprétative garantissant une application unifiée des réglementations relatives aux allégements dans l’exécution des peines et mesures.

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