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Intégration sociale d'une femme trans après une opération de changement de sexe

Une femme trans a droit à une participation de l'AI au coût d'une perruque - arrêt du Tribunal fédéral

Abstract

Auteure : Irene Grohsmann

Publié le 18.09.2013

Pertinence pratique :

  • Les femmes trans peuvent obtenir une participation financière de l'AI à une perruque ou un postiche lorsque leur apparence féminine est altérée par une calvitie typiquement masculine.
  • Il n'est pas nécessaire que la perte des cheveux soit imputable à une maladie ou à son traitement.

Contexte

Transgenre (ou trans*) décrit des personnes qui ne se sentent pas appartenir au sexe avec lequel elles sont nées. Il s'agit essentiellement du sentiment d'appartenir à l'autre sexe (identité de genre). Les personnes trans naissent avec un corps manifestement féminin ou masculin mais s'identifient à l'autre sexe ou aux deux sexes, ou encore se situent entre les deux sexes. Certaines personnes trans se font opérer ou prennent des hormones pour faire correspondre leur corps au sexe ressenti tandis que d'autres souhaitent très peu, voire aucune mesure médicale.

Dans ce sens, une femme trans est «une personne qui est née avec un corps de garçon mais qui s'identifie à une femme» (cf. www.transgender-network.ch trad. libre de l’all.).

Selon l'article 8 de la Constitution fédérale suisse, personne ne doit subir de discriminations du fait de son sexe. Le champ d'application de cet article couvre également l'identité de genre. Par ailleurs, en vertu des conventions internationales des droits humains comme les Pactes de l'ONU ou la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Suisse est tenue de protéger les personnes trans d'un traitement inégal ou injuste.

Mais en Suisse, la protection des personnes trans contre les discriminations laisse encore à désirer. Les obstacles qu'elles rencontrent pour faire reconnaître en fait et en droit leur identité sexuelle sont considérables. Ainsi, 20% environ des Suisses trans sont sans emploi et plus de la moitié subissent un déclassement professionnel après leur coming-out. Ils endurent nombre de discriminations dans leurs relations avec les autorités, les caisses maladie, les employeurs ou les instituts de formation.

Jugement 9C_550/2012 du 13 juillet 2013

En janvier 2010, la recourante s'est soumise à une opération de changement de sexe. Comme elle était affectée d'une perte de cheveux typiquement masculine, elle a demandé en octobre 2011 à l'assurance invalidité une contribution financière à une perruque ou un postiche. L'office AI du canton de Thurgovie a rejeté sa demande en considérant que la calvitie n'était imputable ni à une maladie aigue ni à un traitement (par ex. chimiothérapie).

Selon l'art. 21, al. 2, LAI, le droit à une perruque aux frais de l'AI existe lorsque celle-ci est nécessaire à l'entretien de contacts sociaux ou à l'apparition en public (la loi parle d' "établir des contacts avec son entourage"). Dans ce contexte, il s'agit de l'intégration de l'assuré dans la vie sociale et non pas d'une intégration dans le monde du travail.

Le Tribunal fédéral se base sur la constatation de l'instance inférieure selon laquelle la recourante a perdu ses cheveux dans une mesure telle qu'elle est incompatible avec son apparence de femme. De l'avis du TF, "l'atteinte à son apparence extérieure féminine en raison du dessin caractéristique de sa calvitie typiquement masculine -que le moyen auxiliaire demandé permettra de dissimuler autant que possible- est à elle seule déterminante". En tant que transgenre, on ne peut pas lui opposer que la perte de ses cheveux est due au "processus de vieillissement comme il se manifeste souvent à l'égard des hommes et non pas à la suite d'une maladie aigue" (selon les termes du tribunal administratif cantonal). Ainsi, pour favoriser l'intégration sociale de la recourante comme transgenre, il est nécessaire de lui accorder un moyen auxiliaire selon l'art. 21, al. 2, LAI sous la forme d'une perruque.

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