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La commission nationale de prévention contre la torture publie ses premiers rapports de visite
Pertinence pratique :
- Directement pertinent pour les cantons de Berne et du Valais;
- Pour informaion aux autres cantons
La Commission nationale de prévention contre la torture (CNPT) est un organisme indépendant de la Confédération et des cantons institué officiellement en 2010. Malgré différentes appellations pouvant porter à confusion, la commission n’a pas pour seul objectif de prévenir la torture. Elle doit travailler avec les cantons afin d’assurer que les droits des personnes privées de liberté sont respectés. Ce faisant, la CNPT apporte une contribution essentielle à la prévention de la torture et des traitements inhumains ou dégradants.
La Loi fédérale sur la commission de prévention de la torture lui donne ainsi la compétence d’effectuer des visites régulières dans les lieux où sont détenues des personnes privées de liberté, et ceci sans obligation de préavis aux autorités responsables.
Mesures d’isolation et fouilles corporelles problématiques
En 2011, la CNPT a publié ses premiers rapports sur des visites effectuées dans des établissements pénitentiaires du canton de Berne et du Valais. Dans son rapport sur la prison pour femmes de Hindelbank, la CNPT a critiqué la structure de l’établissement, ancienne et en partie trop étroite. Mais ses recommandations ont en majorité concerné la situation des détenues du quartier de haute sécurité. La Commission a ainsi demandé une meilleure prise en charge de la détention et que la sécurité soit assurée plus par du personnel que par des moyens techniques.
Quant à la prison préventive et au poste de police de Brigue, la commission a relevé dans son rapport que la fouille corporelle systématique de chaque détenu (contrôle visuel de l’anus) était «disproportionnée et dégradante». Les transferts sur de brefs trajets à l’intérieur du cantons ont également été jugés problématiques, notamment à cause du port indifférencié des menottes.
Critique sur le régime de détention en vue du renvoi
Les personnes détenues en vue du renvoi ou de l’expulsion du territoire n’ont pas commis de délits aux yeux de la loi. Il n’est donc pas acceptable qu’elles soient soumises à des conditions de détention identiques à celles de la prison préventive ou de l’emprisonnement. C’est pourquoi la CNPT a critiqué le caractère beaucoup trop carcéral du centre de rétention de Grange. Elle a ainsi recommandé l’assouplissement des mesures de détention, demandant entre autres plus d’espace de mouvement pour les détenus et l’amélioration du système sanitaire.
Réaction des cantons concernés
Les Conseils d’Etat des deux cantons concernés on pu prendre position sur le rapport de la CNPT. Le canton de Berne a insisté sur «l’eternel dilemme entre ce qui est faisable en termes de structure, de personnel et de finances et les attentes, vœux et besoins des autorités ayant ordonné l'internement ou le traitement institutionnel». Le Conseil d’Etat bernois a par ailleurs souligné que les problèmes d’infrastructure devraient en partie se résoudre avec la construction, prévue prochainement, d’un nouveau bâtiment.
Le canton du Valais a au contraire évoqué des mesures concrètes pour la mise en œuvre des recommandations de la CNPT. Cette réaction montre bien que le mécanisme des visites de la CNPT peut avoir un impact concret sur la pratique. Car les indications de la Commission ne sont pas là pour stigmatiser les établissements pénitentiaires, ni ceux qui y travaillent ou les dirigent. Au contraire, ces indications font partie d’un processus d’amélioration de la situation des droits humains dans les lieux de privation de liberté en Suisse. Le fait que la commission se soit clairement concentrée sur les problèmes d’infrastructure montre par ailleurs sa volonté de rappeler leur responsabilité également aux décideurs politiques.
Autres tâches de la CNPT
Passer en revue les établissements pénitentiaires classiques n’est pas le seul mandat de la commission. La loi l’autorise également de visiter tous les établissements où des personnes sont privées de liberté. Par privation de liberté, on entend ici «toute forme de détention ou d’emprisonnement d’une personne ou son placement dans un établissement public ou privé dont elle n’est pas autorisée à sortir à son gré, sur l’ordre d’une autorité publique, à l’instigation ou avec le consentement de celle-ci». La CNPT a ainsi également compétence pour inspecter les cliniques psychiatriques, les institutions pour personnes atteintes de démence, les foyers pour enfants et adultes présentant des handicaps psychiques ou moteur et les centres d'enregistrement pour requérants d'asile.
Il est à espérer que, malgré des ressources financières et de personnel limitées, ces établissements seront également au cœur du travail de la CNPT. Et ceci pas uniquement en vue des récents articles de presses sur des mauvais traitements dans foyers pour personnes handicapées. En effet, en dehors du contexte des établissement pénitentiaires, il s’agit moins de veiller à l’application de droits généralement admis que de surveiller des lacunes en terme d’exigences spécifiquement liées au milieu institutionnel. Exigences sans lesquelles il est impossible d’assurer le respect des droits de personnes privées de leur liberté, sans que leur soit demandé leur accord ou même contre leur volonté.