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Port d’un capuchon après l’arrestation

Arrêt de la CourEDH Portmann contre Suisse (recours no 38455/06)

Abstract

Auteur : Andreas Kind

Publié le 01.02.2012

Pertinence pratique :

  • Mettre un capuchon à une personne lors de son arrestation peut, après une longue durée ou en combinaison avec d’autres mesures de contrainte, violer dans un cas concret l’interdiction des traitements dégradants au sens de l’art. 3 CEDH.
  • Le port du capuchon durant l’arrestation d’un criminel dangereux et armé ne constitue pas une violation lorsqu'il sert à restreindre la marge de manoeuvre de la personne arrêtée et garantir l’anonymat des forces de police engagées dans l’action afin de les protéger d'éventuelles représailles.

Contexte

Hugo Portmann s’est évadé en février 1999 de l’établissement pénitentiaire «Realta» (GR), où il était interné après avoir purgé une peine d’emprisonnement de plusieurs années. Par la suite, avec le «roi de l’évasion» Walter Stürm, entre-temps décédé, il a commis dans le Nord-Ouest de la Suisse deux brigandages à main armée. Début mars, il a été arrêté dans le canton d’Appenzell Rhodes Intérieures. A l’occasion de cette arrestation, les forces de police l’ont muni de menottes aux mains et aux pieds et, pour des raisons de sécurité, lui ont mis un capuchon (une simple taie d’oreiller selon ses affirmations) sur la tête afin de masquer sa vision. Il a été traduit dans cet état devant le juge d’instruction à Herisau (AR). Le port du capuchon et des menottes a duré en tout deux heures environ.

Vérification de la mesure par la CourEDH

Pour la Cour, l’essentiel du cas consistait à vérifier si le fait de faire porter un capuchon violait l’interdiction des traitements dégradants (art. 3 CEDH). Comme d’habitude dans de tels cas, les circonstances du cas d’espèce (durée, effets physiques et psychiques, sexe, âge et état de santé) étaient d’une importance déterminante.

La Cour a notamment considéré comme déterminante la longue durée que Portmann a laissé s’écouler avant de se plaindre des circonstances de son arrestation. D’une part les événements exacts n’ont, pour cette raison, pas pu être reconstruits avec certitude (en particulier la durée pendant laquelle il a dû porter le capuchon). D’autre part, les juges ont considéré ce fait comme un indice selon lequel la mesure ne l’avait pas considérablement gêné.
Comme il s’agissait d’un criminel violent en fuite qui avait commis deux brigandages à main armée juste après son évasion et qui était en possession de plusieurs armes à feu chargées lors de son arrestation, la police se devait d’intervenir avec prudence. Vu ces circonstances, la Cour a considéré le port du capuchon durant l’arrestation comme un moyen légitime pour restreindre la marge de manœuvre du détenu et garantir l’anonymat des forces de police engagées dans l’action afin de les protéger d’éventuelles représailles.

La Cour a souligné dans ce cas l’importance tout aussi déterminante des mesures de sécurité accompagnant le port du capuchon. Ainsi, Portmann était sous la surveillance constante d’un policier qui s’assurait que le capuchon ne gêne pas sa respiration.

L’allégation de Portmann, selon laquelle il aurait dû soutenir un interrogatoire substantiel de 20 à 30 minutes avec le capuchon devant le juge d’instruction, est restée contestée et n’a pas pu être définitivement éclaircie devant la Cour. Celle-ci a cependant nettement relevé que l’art. 3 CEDH n’aurait pas admis un tel interrogatoire. Mais elle n’a vu aucune raison de douter de la position de la Suisse qui affirmait qu’il s’agissait uniquement d’une brève notification du motif de l’arrestation et non pas d’un interrogatoire sur le fond.

A six voix contre une, la Cour est arrivée à la conclusion que la limite d’application de l’art. 3 CEDH n’avait pas été atteinte et, par conséquent, il n’y avait aucune violation de cette disposition.

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