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L’interdiction dans les gares des affiches sur des thèmes chauds de politique extérieure enfreint la liberté d’opinion
A propos de l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_415/2011 du 3 juillet 2012
Abstract
Auteure : Nathalie Hiltbrunner
Pertinence pratique :
- Les CFF et autres entreprises concessionnaires des transports publics doivent respecter la liberté d’expression dans les aires publiques des gares.
- Les privés ont en principe le droit à ce que les affiches à contenu politique qui sont placardées aux endroits prévus ne soient pas interdites en raison de leur caractère provocateur.
- Le risque que des affiches soient taguées où qu’il en résulte des affrontements violents doit être pris en compte par le biais de mesures appropriées comme une présence accrue de la police ferroviaire.
Faits
Début 2009, une affiche qui s’opposait à la politique de colonisation de l’Etat d’Israël a été placardée dans la gare principale de Zurich à deux endroits différents. Invoquant leur règlement et leurs conditions générales qui interdisent la publicité et les messages à propos de thèmes délicats de politique extérieure, les CFF en ont ordonné le retrait immédiat après trois jours seulement. Le mandant de la campagne d’affichage a recouru avec succès auprès du Tribunal administratif fédéral, qui a obligé les CFF à autoriser l’affichage. Après un nouveau recours des CFF, cette décision est maintenant confirmée par le Tribunal fédéral.
Explications du Tribunal fédéral
Selon les constatations du Tribunal fédéral, les CFF sont tenus de respecter les droits fondamentaux dès lors qu’ils assument des tâches de l’État (art. 35 al. 2 Cst.). L’interdiction de placarder une affiche représente une atteinte à la liberté d’expression garantie par l’art. 16 al. 2 Cst. L’exercice de la liberté d’expression exige une utilisation multiple des biens publics. Sur ceux-ci, il existe selon le genre d’usage un droit inconditionnel ou soumis à autorisation qui ne peut être dénié que lorsqu’une restriction est prévue par la loi, qu’elle est proportionnée et justifiée par un intérêt public (art. 36 Cst.). Selon ces principes, l’interdiction, dans le règlement des CFF, de la publicité pour des thèmes chauds de politique extérieure ne se justifie pas. En particulier, on ne comprend pas dans quelle mesure la situation se différencie de la publicité pour des thèmes délicats de politique intérieure, qui est extrêmement présente dans les gares. L’affiche, qui contient notamment la déclaration «L’injustice appelle la résistance», n’enfreint aucune prescription légale. Elle contient certes un énoncé combatif, mais n’incite pas à la violence, pas plus que les expressions utilisées ne relèvent du droit pénal. Elle ne lèse pas non plus les droits fondamentaux de tiers. Le risque que les affiches soient taguées ou qu’il en résulte des affrontements violents doit être pris en compte par le biais de mesures appropriées comme une présence accrue de la police ferroviaire.
Commentaire
Le Tribunal fédéral confirme dans son jugement l’interprétation du Tribunal administratif fédéral et s’oppose avec détermination à toute forme de censure. Les CFF devront adapter leur règlement comme leur pratique d'autorisation en matière d’affichage. À cette occasion, l’ex-régie fédérale devra aussi lever l’interdiction générale de toute action politique comme la récolte de signatures ou la distribution de dépliants dans les gares. En effet, en novembre 2011, l’Office fédéral des transports avait jugé à propos de la Südostbahn et des Appenzeller Bahnen qu’une telle interdiction ne respectait pas non plus les droits fondamentaux (cf. CSDH Newsletter no 4).