Études et rapports

Le droit à un environnement sain, un nouveau droit humain ?

Une analyse de la résolution prévue par les Nations Unies et de ses conséquences pour la Suisse

Abstract

Depuis quelque temps, un consensus s’est formé en droit international sur l’interdépendance entre droits humains et protection de l’environnement, mais sans que l’on ait reconnu un droit distinct à un environnement sain, sûr, propre et durable. Les Nations Unies envisagent maintenant de le faire au moyen d’une résolution. En quoi exactement pourrait consister ce nouveau droit humain et quelles en seraient les conséquences pour la Suisse ?

Publié le 06.05.2021

L’écologisation des droits humains

Il y a un certain temps déjà que l’idée d’un lien entre protection de l’environnement et droits humains s’est imposée. Par conséquent, cette prise de conscience a mené à une écologisation des droits humains reconnus : nombre d’entre eux sont aujourd’hui interprétés de manière à inclure également la protection contre des facteurs nocifs, comme le bruit ou la pollution de l’eau, ce qui permet, dans des cas particuliers, de faire valoir en justice le droit à un environnement sain. Cette écologisation touche toutefois à ses limites avec les problèmes environnementaux dont les effets ne se déploient que plus tard.

Une demi-mesure insuffisante, comme le montre le changement climatique

Une interprétation « écologique » des droits humains reconnus se révèle souvent inadéquate pour prévenir les atteintes à l’environnement. On le voit à l’exemple des « procès climatiques » : plusieurs organisations dont, en Suisse, les « Aînées pour la protection du climat », ont poursuivi leurs gouvernements en justice pour inaction climatique. Ces plaintes soulèvent plusieurs problèmes juridiques. Est-il possible de poursuivre une personne pour inaction politique ? Des personnes qui ne sont pas directement concernées, ou ne le sont pas encore, peuvent-elles déposer plainte ? Qui doit être tenu responsable du changement climatique ?

La revendication d’un droit à un environnement sain

C’est pour apporter des réponses à ces questions que des voix exigent depuis quelque temps que soit reconnu un nouveau droit humain, celui à un environnement sain. Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme et l’environnement est en première ligne de ce mouvement, et l’Assemblée générale de l’ONU se prononcera prochainement sur une résolution allant dans ce sens. Cette dernière n’est qu’une recommandation et ne serait donc certes pas contraignante, mais amener la communauté internationale à forger un consensus sur ce qui découle ou devrait découler des droits humains serait un geste de forte portée symbolique et politique.

Adopter un droit distinct pour assurer une meilleure protection

En amont de cette assemblée, le Rapporteur spécial a publié un catalogue de 16 principes-cadres. Il en ressort que si les droits humains actuels garantissent déjà de nombreux droits en rapport avec l’environnement, les principes-cadres vont au-delà du consensus international actuel en la matière. Il ne s’agit pas seulement d’interpréter les droits humains d’une manière écologique, mais aussi de les adapter et d’y ajouter de nouveaux droits et obligations. Le Rapporteur spécial préconise notamment d’étendre les possibilités de recourir en justice, de manière à ce qu’il soit possible de le faire également pour des problèmes environnementaux touchant des pays entiers ou les générations futures.

Aucune nouvelle obligation pour la Suisse, mais une nouvelle dynamique

La Division Paix et droits de l’homme du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a chargé le CSDH d’étudier les conséquences qu’aurait pour la Suisse la reconnaissance d’un droit à un environnement sain. Il ressort de cette analyse, exposée dans l'étude « Droit à un environnement sain : la future reconnaissance par les Nations Unies d’un droit à un environnement sain et ses conséquences pour la Suisse », que la législation helvétique, qui traite les questions environnementales de manière approfondie, applique déjà une grande partie de ces principes-cadres ; elle répondrait donc à la plupart des propositions du Rapporteur spécial. La reconnaissance d’un nouveau droit humain déploierait tout de même ses effets en Suisse, car elle pourrait stimuler l’évolution du système juridique helvétique. Si le droit à un environnement sain devait s’imposer, les études d’impact sur l’environnement, par exemple, devraient inclure également les conséquences sur les droits fondamentaux et les droits humains.

Un droit constitutionnel à un environnement sain ?

Jusqu’ici, seul le canton de Genève a inscrit le droit à un environnement sain dans sa constitution. Il avait été question dans les années 1970 de l’inscrire dans la Constitution fédérale, mais sans résultat. Les réticences exprimées à l’époque sont maintenant largement dépassées. Le temps pourrait donc être venu pour la Suisse d’ajouter un article à sa constitution et de remplir ainsi une autre exigence du Rapporteur spécial des Nations Unies.

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