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La situation de la traite d’êtres humains en Suisse inquiète beaucoup de pays

Le plan d’action national contre la traite des êtres humains arrive au bon moment

Abstract

Auteure : Anja Roth

Publié le 14.03.2013

Résumé :

  • La Suisse a reçu douze recommandations émises par d’autres États pour combattre la traite d’êtres humains (122.27 – 122.34 ainsi que 123.66 – 123.69).
  • Peu avant, la Suisse avait intégré une grande partie des recommandations de l’EPU dans son plan d’action national de lutte contre la traite des êtres humains 2012-2014 du 1er octobre 2012.
  • Les recommandations ainsi que le plan d’action national s’adressent en premier lieu aux cantons. Ceux-ci sont invités à renforcer leurs efforts pour combattre la traite d’êtres humains.
  • Les campagnes de sensibilisation et d’informations doivent aussi s’adresser aux demandeurs, à savoir aux clients potentiels de victimes d’exploitation sexuelle.

Douze des 140 recommandations adressées à la Confédération lors de l’EPU 2012 concernent les efforts entrepris par la Suisse dans la lutte contre la traite d’êtres humains. Huit d’entre elles — qui demandent à la Suisse une stratégie globale de lutte contre la traite, une meilleure protection des victimes, la poursuite et la punition des responsables, des efforts de prévention à l’échelle nationale, ainsi que le développement de la collaboration avec les pays de provenance — ont déjà été acceptées par le Conseil fédéral fin octobre 2012 à Genève. Après un examen approfondi, quatre autres recommandations ont été acceptées le 27 février 2013. Elles traitent de la promulgation de dispositions légales, de la mise à disposition de ressources supplémentaires dans les cantons et du recours à d’autres Task Forces en collaboration avec de nouveaux pays, selon l’exemple donné par la coopération suisse-roumaine. Dans le cadre de l’EPU 2012, 13 pays ont apprécié à leur juste valeur les efforts déployés par la Suisse depuis 2008 pour agir contre la traite des êtres humains.

La Suisse a reconnu le problème

En 2002, l’Office fédéral de la police a estimé que 1500 à 3000 personnes seraient concernées en Suisse, chaque année, par la traite d’êtres humains. Il n’existe pas de statistiques plus récentes. On ne connaît ni le nombre de personnes exploitées en tant que mains-d’œuvre (au sein de foyers privés, sur des chantiers ou dans la restauration par exemple); ni le nombre d’enfants qui se trouvent parmi eux. La Suisse a reconnu ce problème et a pris différentes mesures.

En 2006, lors de la ratification du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant (RS 0.107.2), le terme de traite d’êtres humains a été révisé dans le Code pénal et adapté aux prescriptions internationales: Est punissable celui qui se livre à la traite d’un être humain à des fins d’exploitation sexuelle, d’exploitation de son travail ou en vue du prélèvement d’un organe (art. 182 CP).

En 2006 toujours, le Protocole additionnel à la Convention contre la criminalité organisée (RS 0.311.542) est entré en vigueur en Suisse. Par l’adhésion à ces deux Accords, la Confédération s’est engagée à agir activement contre la traite d’êtres humains, en particulier contre la traite des femmes et des enfants.

Par la ratification de la Convention européenne contre la traite d’êtres humains qui a eu lieu récemment et qui entrera en vigueur le 1er avril 2013, la Suisse est de surcroît obligée de garantir la protection des victimes dans la lutte contre la traite d’êtres humains. Dans le cadre du processus de ratification, la Suisse a créé un programme de protection des témoins au niveau fédéral. L’introduction de la Loi sur la protection extraprocédurale des témoins (Ltém) doit garantir la protection des victimes de la traite qui sont exposées à une menace, en dehors des audiences du procès à proprement dit et après sa clôture.

La modification du Code pénal prévue dans le cadre de la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels de 2007 doit, en outre, permettre de pénaliser le recours aux services sexuels de mineurs ainsi que l’encouragement à la prostitution de mineurs.

Le plan d’action national 2012 (PAN)

La plupart des mesures proposées fin octobre 2012 dans le cadre l’EPU se trouve dans le plan d’action national contre la traite des êtres humains 2012-2014 (PAN) présenté peu auparavant. Le plan, qui a été réalisé par le Service de coordination contre la traite d’êtres humains et le trafic de migrants (SCOTT) en collaboration avec différents acteurs, comprend 23 mesures. Les sujets de ces dernières se rapportent aux quatre piliers de la stratégie nationale contre la traite des êtres humains: prévention, poursuite pénale, protection des victimes et partenariat avec les pays de provenance.

Comme dans les recommandations de l’EPU 2012, le PAN contient des mesures concernant la stratégie de lutte et le droit de séjour des victimes. L’action n° 8 contient, par exemple, l’attribution de ressources nécessaires à la formation d’experts femmes et hommes dans le domaine de la poursuite pénale, afin de satisfaire aux exigences particulières des cas de traite d’êtres humains. La même mesure apparaît dans la recommandation 122.31 de l’EPU. Pour le reste, il s’agit de l’élaboration d’un programme national de protection des victimes (Action 14), comme cela a été réclamé à plusieurs reprises par les ONG, durant le processus de ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite d’êtres humains.

Que reste-t-il à faire?

Les mesures de sensibilisation exigées dans la recommandation 122.33, dans le domaine de la traite d’êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, qui s’adressent aux demandeurs et sensibilisent les clients potentiels à cette thématique, font largement défaut dans le PAN. Il est pourtant nécessaire d’agir aussi dans ce domaine, car, sans une telle sensibilisation, la demande, et par conséquent la prolifération de la traite d’êtres humains, ne peuvent être réduites de manière durable.

Le sujet de la protection renforcée des victimes est tout autant d’actualité, en particulier la question de la délivrance d’un permis de séjour qui n’est pas gérée de la même manière dans la pratique cantonale. La réglementation du séjour de victimes de traite a déjà été thématisée lors de l’Examen périodique universel de 2008 (recommandation 57.17).

Perspectives

Les nombreuses recommandations dans le domaine de la traite d’êtres humains témoignent d’une grande inquiétude au sein de la communauté internationale concernant les proportions de la traite et les violations graves des droits humains qui en découlent. Elles démontrent également le fait que ce sont justement des pays prospères comme la Suisse qui sont des pays de destination finale ou des pays de transit pour la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des jeunes femmes. C’est aussi la raison pour laquelle ces pays se trouvent sous surveillance particulière.

Le PAN saisit les points centraux des recommandations. La participation et la collaboration des cantons sont des éléments décisifs pour une mise en œuvre réussie. Grâce à cela, et à travers une approche proactive concernant les exigences non encore résolues par le PAN, on pourrait voir se réaliser l’amélioration de la prise en charge et de la protection des victimes ainsi qu’un renforcement des poursuites pénales.

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