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Campagne nationale sur le thème des discriminations liées aux orientations sexuelles dans le milieu du sport

Abstract

L’Association Suisse des Services des Sport (ASSS) a lancé, en collaboration avec Swiss Olympic, la campagne nationale de sensibilisation «Stop homophobie dans le sport»

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Auteure : Josefin De Pietro

Publié le 05.06.2014

Pertinence pratique :

  • L’homophobie dans le sport est une réalité en Suisse
  • Une campagne nationale de sensibilisation a été lancée pour lutter contre l’ignorance, le sexisme et l’homophobie dans le milieu du sport et à promouvoir le respect de l’autre et la tolérance

L’homophobie et les valeurs promues dans le sport

Les discriminations liées aux orientations sexuelles dans le sport sont une réalité en Suisse. Trop de personnes subissent ainsi des violences verbales, physiques ou psychologiques. L’homophobie provoque des souffrances auprès de ces personnes, en particulier auprès des jeunes. Elle a aussi comme conséquence qu’un bon nombre d’entre elles ne peuvent pas librement choisir leur sport et qu’elles ne divulguent pas leur orientation sexuelle au sein de leur entourage sportif. La question de l’homosexualité, en particulier, est souvent passée sous silence, rendant tabou cette thématique.
Pourtant, la Charte Olympique précise, dans ses «Principes fondamentaux de l’Olympisme», que «toute forme de discrimination à l’égard d’un pays ou d’une personne fondée sur des considérations de race, de religion, de politique, de sexe ou autres est incompatible avec l’appartenance au Mouvement olympique» (principe 6). Par ailleurs, le premier principe de la Charte d’éthique du sport, soutenue par Swiss Olympic, par l’Office fédéral du sport ainsi que par les fédérations sportives suisses, est de traiter toutes les personnes de manière égale: nationalité, âge, sexe, orientation sexuelle, origine sociale ou religieuse et orientation politique ne doivent pas conduire à des préjudices. Cependant, ces principes ne trouvent pas pleinement application au sein des clubs de sport.

«Stop homophobie dans le sport»

C'est pourquoi l’Association Suisse des Services des Sports (ASSS) et Swiss Olympic ont lancé le 31 janvier 2014 une campagne nationale de sensibilisation destinée à lutter contre l’ignorance, le sexisme et l’homophobie et à promouvoir le respect d’autrui et la tolérance. La campagne «Stop à l’homophobie dans le sport» a comme objectif de sensibiliser les sportives et les sportifs, leur entourage ainsi que les spectatrices et les spectateurs sur les discriminations subies en raison de l’orientation sexuelle et de promouvoir le fait que chaque personne a le droit de pratiquer le sport de son choix dans les meilleures conditions possibles, indépendamment de son orientation sexuelle. A ce titre, cinq affiches ont été créées avant d’être placardées dans les complexes sportifs partout en Suisse. Le public peut y découvrir un symbole, aux couleurs du drapeau arc-en-ciel de la communauté gay, accompagnés d’un slogan: «Penalty contre l’homophobie» (un ballon), «Il est temps de mettre un terme aux discriminations» (un chronomètre), «Tout schuss vers plus de tolérance» (un masque de ski), «Les discriminations n’ont pas leur place sur le podium» (un podium), «Slap shot contre l’homophobie» (un casque de hockey). Sur chaque affiche, le premier principe de la Charte d’éthique du sport est rappelé. Un dépliant a également été élaboré et il contient les explications sur la campagne. Les affiches et le dépliant, qui existent dans les trois langues nationales, ont été diffusés via les membres des associations sportives dans toute la Suisse.

Un sujet d’actualité

Le lancement de la campagne, en janvier 2014, est apparu à un moment où la thématique de l’homosexualité, notamment de l’homosexualité dans le sport, était sur les feux de la rampe. D’abord lors des Mondiaux d’athlétisme de Moscou en août 2013, puis pendant les Jeux olympiques (JO) d’hiver de Sotchi, également organisés en Russie, en février 2014. La position du président russe, Vladimir Poutine, par rapport aux athlètes, journalistes ou touristes potentiellement homosexuels attendus à Sotchi a suscité bien des réactions dans le milieu sportif. Les JO de Sotchi ont dans ce sens constitués un tournant pour la thématique de l’homophobie dans le sport. En effet, les athlètes ayant fait leur coming-out ont été salués par des personnalités et les athlètes ont été encouragé-e-s à vivre ouvertement leur homosexualité. De plus, par le témoignage d’athlètes homosexuel-le-s, le public a pu prendre conscience des discriminations subies par les sportives et les sportifs dans la pratique de leur sport.

L’homophobie dans le sport

On peut s’interroger sur la volonté de lancer une campagne contre l’homophobie spécifiquement dans le domaine du sport. Il apparaît qu’en Suisse, les institutions sportives sont sensibles à cette thématique. Toutefois, de nombreux progrès restent à faire. L’homophobie semble s’exprimer plus violemment dans le sport que dans d’autres contextes sociaux. En effet, malgré le fait que relativement peu de travaux sociologiques ont été réalisés dans le domaine, les quelques recherches existantes relèvent que les stéréotypes de genre sont très présents dans le sport (voir l’article de Quentin Bohlen publié sur lesvestiairesdusport.ch). On constate que le sport masculin est basé sur des valeurs de virilité et d’affrontement maîtrisés. Or, l’homosexuel est perçu comme manquant de virilité en comparaison avec les hétérosexuels et cela sous-entend qu’il ne remplit pas les caractéristiques du sportif et qu’il est donc moins performant. Cette perception du manque de performance peut être un facteur augmentant l’homophobie. Dans le sport féminin, l’homophobie semble être différente et moins visible. Les athlètes féminines non fragiles et faisant preuve de force sont souvent identifiées comme «non féminines» et des interrogations sur leur sexualité peuvent ainsi prendre place. Cela peut avoir comme conséquence que des athlètes féminines se sentent obligées de prouver qu’elles ne sont pas lesbiennes par peur d’être étiquetées comme telles. Aussi convient-il de relever que l’homophobie dans le sport, qu’elle soit féminine ou masculine, se démarque d’autres contextes du fait que les athlètes partagent les vestiaires, ont des contacts physiques avec les autres athlètes via les sports pratiqués et évoluent dans un contexte dans lequel la mise en scène du corps est différente.

Place au sport

Ces discriminations poussent des personnes victimes de discrimination à se regrouper pour pratiquer leur discipline entre elles afin de ne pas avoir à cacher leur orientation sexuelle. Il y aurait une vingtaine de clubs LGBTI en Suisse qui restent, pour l’instant, peu connus du grand public. Ces clubs, représentant différents sports, permettent aux athlètes de clairement affirmer leur orientation sexuelle tout en évoluant dans les mêmes ligues que les équipes dites traditionnelles. De même, des championnats européens, les Eurogames et des championnats mondiaux, les Gay Games, destinés aux personnes LGBTI, sont régulièrement organisés et ceci depuis plus de 30 ans. Cependant, ces événements sportifs sont peu médiatisés alors qu’ils rassemblent plus d’athlètes qu’aux JO. Pour conclure, il convient ainsi de relever que c’est bien la capacité individuelle de chaque personne, la performance ainsi que l’engagement qui doit primer dans le sport. De plus, les valeurs véhiculées à travers le sport comme la tolérance, l’esprit de collégialité et la solidarité doivent être respectés. Enfin, à une époque où le sport est surmédiatisé et où les sportives et les sportifs sont des modèles pour les enfants et les jeunes, chaque athlète, chaque club de sport et chaque institution se doit de montrer l’exemple: «stop homophobie dans le sport».

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