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Révision du droit du nom de famille en Suisse

Quelques réflexions

Abstract

Auteure : Andrea Egbuna-Joss

Publié le 06.07.2011

Pertinence pratique :

  • Pour information
  • Avancement des travaux: retour au Conseil National

Le 7 juin 2011, le Conseil des Etats a adopté, à l’unanimité et deux abstentions, un projet de révision du droit du nom de famille. Ce projet s'avère beaucoup plus ambitieux que ce qui avait été décidé par le National en décembre 2009. D’après la nouvelle proposition, les deux époux conservent en principe après le mariage chacun leur nom de famille et choisissent un des deux noms pour les enfants. Ils ont aussi la possibilité de se décider pour un nom de famille commun. Cette proposition retourne maintenant au Conseil National.

Elargissement de la juridiction constitutionnelle nécessaire

Les innombrables tentatives de révision du droit du nom de famille que la Suisse a connues illustrent parfaitement combien il est difficile de corriger une discrimination ancrée dans une loi fédérale. Le droit actuellement en vigueur viole très clairement l’article 8 al. 3 Cst. ainsi que l’article 14 combiné à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). Ces manquements aient été constatés en 1994 déjà par la Cour européenne des droits de l’homme dans le cas Burghartz c/ Suisse. Cela n'avait pas empêcher en 2001 l'échec de l'initiative Sandoz, qui demandait l'ajustement du droit du nom de famille avec la Constitution fédérale et la CEDH.

En 2005, le Tribunal fédéral (TF) s’est senti lui aussi lié par ce vote dans le cas du recours d’un couple hungaro-suisse (ATF 5A.4/2005). Bien qu’il ait reconnu que le droit actuel du nom de famille violait l’art. 8 al. 3 Cst., le TF s’était refusé à introduire une réglementation auparavant rejetée par le législateur (ATF 5A.4/2005, cons. 3.3.1.). Par la suite, le couple en question avait déposé un recours individuel auprès de la CEDH. Le 19 novembre 2010 la Cour, constatant une violation de l’art. 14 combiné à l’art. 8 CEDH, avait admis le recours. En 2009, alors même que la procédure était en cours auprès de la CEDH, une nouvelle tentative de remédier à cette violation échouait devant le Conseil national.

Commentaire

Ces brèves considérations font clairement ressortir l’importance du débat qui se déroule actuellement au sujet d'un renforcement de la juridiction constitutionnelle (cf. article sur la newsletter n° 1 du CSDH). La procédure de consultation sur le projet d’arrêté fédéral concernant la juridiction constitutionnelle relative aux lois fédérales s’est terminée le 20 mai 2011.

Il paraît en effet difficilement acceptable que, plus de 17 ans après la constatation d’une violation de la CEDH par la Cour européenne des droits de l’homme; alors même que le TF a déjà réaffirmer l’inconstitutionnalité du droit suisse du nom de famille, cette réglementation soit toujours en vigueur et doive être appliquée. Si la Constitution fédérale devait être modifiée dans le sens du projet de juridiction constitutionnelle et que l’article 190 Cst. soit purement et simplement abrogé, le Tribunal fédéral serait alors autorisé à examiner également la conformité de dispositions des lois fédérales (en l’occurrence les articles 160 et 270 CC) sous l’angle de leur conformité aux droits fondamentaux tels qu’ils sont inscrits dans la Constitution et dans les instruments internationaux de protection. Il pourrait, le cas échéant, en interdire l’application dans un cas concret.

En ce qui concerne le nom de famille, il serait évidemment souhaitable, comme dans de nombreux autre cas, que le législateur procède lui-même à la mise en conformité du droit litigieux avec le droit supérieur. Pas plus la Constitution fédérale que la CEDH ne précise la manière dont le nom de famille doit être aménagé. Mais elles laissent plusieurs possibilités ouvertes. L’épisode fâcheux du nom de famille en droit suisse rappelle opportunément que le soin de respecter la Constitution et le droit international public ne saurait être confié exclusivement au législateur.

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