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Clarification des questions actuelles que pose le changement de sexe

Avis de droit de l’Office fédéral de l’état civil du 1er février 2012 relatif au transsexualisme

Abstract

Auteure : Iris Glockengiesser

Publié le 02.05.2012

Pertinence pratique :

  • Selon un avis de droit de l’Office fédéral de l’état civil, une constatation juridique d’un changement de sexe est possible même si l’irréversibilité du changement de sexe et l’inaptitude à procréer – nécessaires à une telle constatation – ont été atteintes sans intervention chirurgicale (stérilisation; construction des organes génitaux), mais par exemple par hormonothérapie.
  • Un changement de sexe n’entraîne pas automatiquement la conversion d’un mariage en partenariat enregistré ou vice versa; il n’entraîne pas non plus leur dissolution. Une conversion ne peut être imposée: elle ne peut être prononcée que par un tribunal et sur demande des parties concernées.

Problématique

L’Office fédéral de l’état civil (OFEC) a envoyé un avis de droit aux autorités cantonales de surveillance de l’état civil portant principalement sur les deux questions suivantes relatives au changement de sexe :

  1. Une intervention chirurgicale est-elle une condition préalable à l’action en constatation du changement de sexe ?
  2. Un mariage peut-il, voire doit-il, être converti en partenariat enregistré et vice versa, à la suite du changement de sexe d’un(e) des conjoints ou des partenaires ?

Point 1: conditions à un changement d’état civil

Pour tout changement d’état civil à la suite d’un changement de sexe, la condition posée par la jurisprudence est le caractère irréversible du changement de sexe et, partant, l’inaptitude à procréer (cf. présentation de la jurisprudence dans l’arrêt de la Cour suprême (Obergericht) de Zurich, ch. 2.3.2.). Il convient dès lors de se demander si pour remplir cette condition une intervention chirurgicale pourrait être exigée. Pour répondre à cette question, l’OFEC a mené une analyse de différentes jurisprudences (étrangères et suisse) ainsi que de la littérature en tenant compte des derniers développements au Conseil de l’Europe.

Arrêt de la Cour suprême de Zurich relatif à la constatation du changement d’état civil

L’OFEC s’est fondé principalement sur l’arrêt de la Cour suprême de Zurich du 1er février 2012. Cette dernière, s’appuyant sur une analyse approfondie de la jurisprudence du Tribunal fédéral et des tribunaux cantonaux, ainsi que sur la littérature correspondante, avait retenu qu’aucune intervention chirurgicale ne pouvait être exigée de la part des personnes transsexuelles comme préalable à la constatation juridique du changement de sexe. Selon les juges zurichois, une telle intervention constituait en effet une atteinte à l’intégrité corporelle et au droit au respect de la sphère privée. Pour constituer une condition sine qua non de la reconnaissance juridique du changement de sexe, une telle atteinte nécessiterait une base légale formelle, base légale inexistante en droit positif suisse (arrêt de la Cour suprême de Zurich, ch. 3.4.).

Connaissances scientifiques actuelles et discussion juridique en Europe

L’OFEC a en outre analysé des décisions prononcées en Italie et en France, ainsi que la recommandation 1915 (2010) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et le rapport du Conseil de l’Europe «Discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre». Il en a conclu que, au niveau du Conseil de l’Europe, au vu des connaissances scientifiques sur le transsexualisme et de l’évolution actuelle du sentiment juridique, la stérilisation et les interventions visant à construire des organes génitaux du sexe désiré – opérations comportant de graves risques pour la santé – ne pouvaient être imposées comme une condition préalable à la constatation juridique du changement de sexe.

Point 2: conversion d’un mariage ou d’un partenariat enregistré

La seconde question portait sur l’effet d’un changement de sexe sur un mariage ou sur un partenariat enregistré. L’OFEC se posait alors la question de savoir si les autorités cantonales de surveillance de l’état civil étaient habilitées à dissoudre ou à annuler un mariage ou un partenariat enregistré, voire autorisées à imposer sa dissolution ou son annulation comme condition préalable à la constatation juridique du changement de sexe, si une décision étrangère de constatation de changement de sexe restait muette sur la question de la conversion du mariage en partenariat enregistré ou vice versa,

Recevabilité et forme d’une conversion

L’OFEC a relevé de manière claire qu’il était possible de convertir un mariage en partenariat enregistré ou vice versa. Cette conversion doit cependant être prononcée par le tribunal (étranger ou suisse) compétent, sur demande des personnes concernées.

L’OFEC rappelle en outre que, la base légale ne prévoyant pas de conversion automatique, un changement de sexe pouvait par conséquent entraîner l’existence d’un mariage entre personne du même sexe ou d’un partenariat enregistré entre personnes de sexe opposé. L’OFEC souligne toutefois que ces unions ne sont pas contraires à l’ordre public suisse.

L’OFEC affirme par ailleurs que l’annulation ou la dissolution de l’union ne sauraient être considérées comme préalables à la constatation juridique du changement de sexe et qu’elles ne sauraient être imposées.

Les autorités cantonales de surveillance de l’état civil sont tenues, une fois prononcé le changement de sexe, de renvoyer les parties concernées devant le juge afin de déposer une demande de conversion dans l’autre institution.

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