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Des problèmes importants n’ont pas été abordés

Remarques sur la vision partielle du Conseil des droits de l’homme par rapport à la situation des enfants en Suisse

Abstract

Auteure : Nicole Hitz Quenon

Publié le 14.03.2013

Résumé :

  • Les recommandations de l’examen périodique universel 2012 (122.29, 123.67, 123.68, 122.44, 123.81, 122.43, 123.80, 123.79, 122.46, 123.54, 122.19) soulèvent des problématiques-clés relatives aux enfants en Suisse.
  • La situation des requérants d’asile mineurs, un groupe d’enfants particulièrement vulnérable, ne profite guère des recommandations du Conseil des droits de l’homme.

À première vue, les problématiques principales en ce qui concerne la mise en œuvre des droits de l’enfant en Suisse semblent être bien visées au cours de l’Examen périodique universel 2012. L’exploitation sexuelle et la traite des adultes, mais également celle des enfants, ou plus précisément des filles; la violence à l’égard des enfants, dont le châtiment corporel; la pénalisation de la prostitution enfantine entre 16 et 18 ans; la question de la séparation des enfants et des adultes en détention ou lors de la détention administrative; l’accès à l’éducation pour les enfants défavorisées ou d’origine étrangère: un grand nombre de problématiques ont été abordées.

La violence à l’égard de l’enfant

Il convient de saluer que, dans le domaine de la violence, la Suisse a accepté une recommandation (122.44) qui demande que des campagnes de sensibilisation soient menées de manière plus intense au sujet des effets négatifs de la violence contre les enfants. Une deuxième recommandation (123.81), exigeant d’instaurer une interdiction légale explicite des châtiments corporels infligés aux enfants dans leur foyer, a été rejetée fin février par la Suisse, qui se base sur le rapport du Conseil fédéral du 27 juin 2012. Ceci est d’autant plus regrettable qu’une recommandation au sujet de la même question qui demandait d’«envisager d’interdire expressément toutes les pratiques de châtiment corporel des enfants» avait été acceptée par la Suisse dans l’EPU en 2008. Donc, même si on peut considérer comme un signal positif le fait que la recommandation 122.44 ait été acceptée par la Suisse dès l'automne 2012 — car cela indique que le rôle très important de la sensibilisation contre la violence a été reconnu —, le chemin vers une interdiction explicite des châtiments corporels s’avère en fait encore être long (voir aussi à ce sujet notre article publié dans la newsletter n°6).

Et les enfants migrants, requérants d’asile, ou non accompagnés?

Un examen des requêtes des organes de traités de l'ONU ou des organes du Conseil de l’Europe montre que de nombreuses problématiques touchant les enfants migrants, les enfants requérants d’asile, accompagnés ou non, sont à peine effleurées dans ces recommandations ou n’y trouvent aucune mention.

À retenir comme positive, la recommandation 122.46, acceptée par la Suisse, qui vise l’égalité de chance de tous les enfants dans l’accès à la formation: il s'agit d'une question cruciale qui mérite d'être saluée (cf. article Offrir l’accès au meilleur niveau de formation possible). Par contre, la recommandation 123.54, qui demande de fournir des logements adéquats aux réfugiés, aux requérants d’asile et à leurs enfants, et qui est également une vraie nécessité pour ces enfants, vient d’être rejetée par la Suisse. Toutefois, la Suisse a accepté la recommandation 122.19 demandant d’assurer la protection des réfugiés, des migrants et des membres de leur famille (donc des enfants), en incluant leur intégration sociale conformément aux normes internationales. Cependant, cette recommandation est formulée de manière très vague et large.

Par ailleurs, les problèmes principaux relatifs aux enfants requérants d’asile ne se trouvent pas dans cette liste de recommandations qui semblait de prime abord assez exhaustive. Qu’en est-il, par exemple, de la question de la représentation légale des mineurs non accompagnés (MNA) durant la procédure d’asile, thème soulevé tant par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe en 2010 que par le Comité des droits de l’enfant en 2002 déjà? Cette représentation légale est loin d’être ordonnée de manière régulière et harmonisée dans les différents cantons, alors que le Code civil contient des règles claires qui s’appliquent à tous les enfants, indépendamment de leur statut.

Même son de cloche concernant la détention administrative des enfants. Parmi les recommandations de l’EPU 2012 se trouvait une recommandation exigeant la séparation des MNA des adultes dans les locaux de détention administrative, mais celle-ci a été rejetée par la Suisse fin février 2013, en se référant à l’usage très exceptionnel de la détention. Cependant, le problème central est la durée excessive de cette détention administrative (jusqu’à 12 mois pour les enfants âgés entre 15 à 18 ans, art. 79 LEtr). Bien qu’il ait déjà fait l’objet de critiques de la part du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe en 2005, de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance en 2009 ainsi que du Comité contre la torture en 2010, il n’y a pas trace de ce probléme dans les recommandations de l’EPU.

Les recommandations de l’EPU 2012 ne dressent donc pas un aperçu complet des problèmes principaux auxquels se heurtent les enfants en Suisse. Très probablement, ce sont les autres organes onusiens et européens qui se chargeront de relever ces défaillances du système suisse.

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