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Vers une surveillance indépendante des droits de l’enfant en Suisse

Pistes de réflexion pour la mise en place en Suisse d’une ou plusieurs entités indépendantes en matière de surveillance des droits de l’enfant au niveau cantonal et/ou fédéral

Abstract

Auteur :Karl Hanson

Avec la collaboration de: Andressa Curry Messer, Nicole Hitz Quenon, Michelle Jenni, Valentine Thomet et Diana Volonakis

Publié le 16.12.2014

Résumé :

Cet article souhaite contribuer à la réflexion sur les possibilités de créer en Suisse une ou plusieurs entités indépendantes, spécialisées dans la surveillance des droits de l’enfant, qui rempliraient les critères posés par les recommandations internationales, principalement par le Comité des droits de l’enfant.

Après une présentation des recommandations internationales qui encouragent la création d’institutions nationales chargées de surveiller la mise en œuvre des droits de l’enfant, nous souhaitons apporter des éléments d’analyse et de discussion sur la nécessité de créer, au niveau national et/ou cantonal, des entités indépendantes spécialisées dans la promotion et la défense des droits de l’enfant.

Nous abordons en particulier les questions de l’indépendance des institutions de surveillance en matière des droits de l’enfant et de l’interaction entre ces institutions au niveau international, national et cantonal. Nous nous penchons également sur la problématique visant à déterminer s’il faut créer une institution spécialisée de défense des droits de l’enfant ou une institution plus large, intégrée dans une institution de surveillance des droits humains.

Introduction

Le 21 et 22 janvier 2015, la Suisse est invitée à présenter devant le Comité des droits de l'enfant son rapport périodique sur l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE). Une des questions qui sera abordée concerne les mesures prises par la Suisse pour mettre en œuvre la recommandation adoptée en 2002 par le Comité (CRC/C/15/Add.182, par. 16) relative à la création, au niveau fédéral, d’une Institution nationale indépendante des droits humains. Une telle institution devrait entre autres surveiller et évaluer les progrès dans le domaine de la mise en œuvre de la CDE en Suisse.

A ce jour, la Suisse n’a pas donné de suite à cette recommandation, même si elle a été relayée par des ONG et des parlementaires. Ainsi, une Motion a été déposée en septembre 2014 au Conseil national qui propose de créer sur le plan fédéral un Ombudsman indépendant pour les droits de l’enfant (Motion 14.3758). Dans sa réponse du 19 novembre 2014 (un jour avant le 25ème anniversaire de l’adoption de la Convention relative aux droits de l’enfant), le Conseil fédéral propose de rejeter la motion. Le rejet de la motion par le Conseil fédéral est motivé, entre autres, par la présence de multiples acteurs, publics et privés, qui assument déjà aux niveaux fédéral et cantonal les tâches qui devraient être entreprises par un Ombudsman indépendant pour les droits de l’enfant. Le Conseil fédéral estime «qu’il est plus efficace de coordonner les mesures existantes ou en discussion que de créer une nouvelle fonction».

Dans sa réponse, le Conseil fédéral ne semble pas faire de distinction entre la mise en œuvre («implementation») des droits de l’enfant, qui aurait en effet besoin de mesures de coordination accrues, et la surveillance («monitoring») indépendante, qui serait la fonction principale d’une institution indépendante telle qu’un Ombudsman pour les droits de l’enfant.

Les recommandations internationales

Des normes et recommandations internationales importantes ont été élaborées afin d’inciter les Etats à mettre en place, au niveau national, des institutions de surveillance des droits de l’enfant.

Ainsi, suite à la ratification de la Convention relative aux droits de l’enfant en 1997, la Suisse s’est engagée «à prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en œuvre les droits reconnus dans la présente Convention» (art. 4 CDE). Le Comité des droits de l’enfant, l’organe créé par la CDE pour contrôler l’application des droits de l’enfant par les États parties, a fourni des informations supplémentaires concernant la portée de cette disposition dans deux Observations générales.

Dans l’Observation générale No 5 de 2003, qui définit l’obligation qu’ont les États de concevoir les mesures d’application générales, le Comité considère que la mise en place d’une institution indépendante de défense des droits de l’enfant fait partie intégrante des nombreuses mesures nécessaires pour une mise en œuvre effective de la CDE. Selon l’Observation générale No 5, ces institutions de défense des droits de l’enfant, qui sont caractérisées par leur indépendance, doivent agir en complémentarité des structures gouvernementales qui s’occupent des questions relatives à l’enfance.

Déjà en 2002, avec l’adoption de l’Observation générale No 2, le Comité souhaitait encourager et accompagner les États parties à se doter d’une institution indépendante chargée de promouvoir et de surveiller l’application de la Convention. Cette Observation générale de 2002 contient des indications plus précises sur les caractéristiques essentielles de ces institutions ainsi que sur les activités qu’elles devraient mener.

Plusieurs pays européens ont ainsi mis en place des entités exclusivement dédiées à la défense et à la promotion des droits de l’enfant sous le nom de médiateur, délégué, ombudsman ou commissaire indépendant pour enfants. Depuis 1997, 43 institutions indépendantes de 35 pays européens se sont regroupées au sein d’un réseau européen des médiateurs pour enfants (ENOC, European Network of Ombudspersons for Children). Aucune institution suisse ne fait partie de ce réseau.

Dans ses observations finales du 13 juin 2002, le Comité recommande expressément à la Suisse «de créer une institution fédérale des droits de l’homme indépendante, conformément aux Principes de Paris (résolution 48/134 de l’Assemblée générale) concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme, chargée de surveiller et d’évaluer les progrès dans le domaine de la mise en œuvre de la Convention. Elle devrait être accessible aux enfants, habilitée à recevoir des plaintes relatives à la violation des droits de l’enfant, à procéder à des enquêtes en ménageant la sensibilité des enfants et à traiter les plaintes dans de bonnes conditions d’efficacité» (para.16).

Activités de surveillance

L’Observation générale No 2 du Comité des droits de l’enfant sur les Institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme/droits de l’enfant (INDH) indique les types d’activités que ces entités devraient mener pour la réalisation des droits de l’enfant. Parmi les activités recommandées, le Comité souligne d’abord que ces institutions devraient avoir le pouvoir de connaître des plaintes et requêtes individuelles et de procéder à des investigations, suite à une plainte ou de leur propre initiative, sur toute affaire de violation des droits de l’enfant. Dans le cadre du traitement de cas particuliers, les procédures de médiation ou de conciliation devraient être privilégiées et les enfants devraient avoir la possibilité de s’appuyer sur une assistance juridique gratuite.
L’Observation générale No 2 du Comité mentionne ensuite comme activité importante de ces institutions indépendantes l’élaboration et la diffusion des avis, recommandations et rapports, de leur propre initiative ou à la demande des autorités, concernant tous sujets touchant à la promotion et à la protection des droits de l’enfant. En plus, ces institutions devraient aussi surveiller l’adéquation et l’efficacité de la législation et des pratiques relatives à la protection des droits de l’enfant. Pour désigner l’ensemble de ces activités, qui poursuit un changement structurel en faveur des enfants et des jeunes, nous employons ci-après le terme de «plaidoyer» (en anglais : «child-advocacy»). Les INDH sont également encouragées, selon les termes de l’Observation générale No 2 du Comité, à réaliser des enquêtes quantitatives et qualitatives concernant les droits de l’enfant.

Discussion

En Suisse, un nombre important d’entités exercent une fonction de surveillance en matière de droits de l’enfant, tant au niveau fédéral qu’au niveau cantonal. Ces différentes entités, comme par exemple la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse, les Délégués cantonaux pour la jeunesse, le Réseau suisse des droits de l'enfant ou encore les associations d’avocat-e-s pour mineur-e-s (par exemple «Kinderanwaltschaft Schweiz» et «Juris Conseil Junior»), exercent des activités proches de celles entreprises par des médiateurs/médiatrices, délégué-e-s, ombudsmans ou commissaires indépendant-e-s pour enfants qui existent dans d’autres pays européens. Ils et elles mènent, entre autres, des investigations dans des cas individuels de violation des droits de l’enfant, rédigent des rapports et des recommandations sur la politique de l’enfance et de la jeunesse et réalisent des enquêtes sur la perspective des groupes d’enfants et de jeunes et sur leurs conditions de vie.
Par contre, aucune de ces entités ne remplit pleinement les critères posés par les recommandations internationales. Nous présentons dans cette section quelques pistes de discussion pour la mise en place d’institutions de surveillance en matière des droits de l’enfant en Suisse, tant au niveau fédéral qu’au niveau cantonal. Ces pistes de discussion concernent l’indépendance, les interactions entre le niveau fédéral et cantonal, ainsi que la question d’intégrer de telles institutions dans des structures de surveillance des droits de l’homme plus larges ou de créer des mécanismes spécifiques pour la surveillance des droits de l’enfant.

Indépendance

Au niveau cantonal, les cantons de Bâle-Campagne, Bâle-Ville, Vaud, Zoug et Zurich se sont dotés de médiateurs ou ombudsmans qui disposent tous d’une base légale et répondent au critère de l’indépendance. Par contre, même si les enfants peuvent en principe se référer aux médiateurs/médiatrices cantonaux ou municipaux pour tout renseignement ou pour déposer une plainte en cas de non-respect de leurs droits de la part d’une autorité cantonale ou municipale, ces institutions indépendantes sont relativement peu accessibles aux enfants. Ces médiateurs/médiatrices cantonaux s’adressent à l’ensemble de la population de leur canton, mais n’ont pas de mandat spécifique pour protéger et promouvoir les droits d l’enfant. Par exemple, les sites web des «ombudstelle» dans les deux cantons de Bâle ou de la médiatrice dans le canton de Vaud ne sont pas conçus pour les enfants, pour qui le design du site et le langage utilisé semblent peu compréhensibles. Aucun des cantons ne dispose d’un médiateur ou d’une médiatrice qui soit spécialement prévu-e pour des cas impliquant des enfants.

Les autorités de protection de l’enfant qui interviennent dans des cas individuels disposent d’une base légale cantonale, mais leur mandat est limité aux questions en lien avec le respect du bien-être de l’enfant dans le cadre familial et ne concerne donc pas l’ensemble des dispositions de la CDE. En plus, ces entités n’exercent pas d’activités dans les domaines du plaidoyer et de la recherche. Les différentes entités administratives cantonales qui concernent l’enfance et la jeunesse, comme par exemple les délégué-e-s cantonaux à l’enfance et à la jeunesse, sont chargées de mettre en œuvre la politique cantonale, mais n’ont pas de mandat en matière de surveillance. Elles n’opèrent de plus pas d’une manière indépendante vis-à-vis des responsables politiques à qui elles sont subordonnées. Les commissions cantonales de l’enfance et de la jeunesse, qui sont le plus souvent en charge d’épauler la politique cantonale sur des questions stratégiques en matière de politique de l’enfance et de la jeunesse ont une plus grande indépendance par rapport aux gouvernements cantonaux, mais sont par contre des organes consultatifs.

Au niveau fédéral, la Commission fédérale de l’enfance et de la jeunesse (CFEJ) dispose d’une base légale pour ses activités de plaidoyer en matière de politique de l’enfance et de la jeunesse (art. 22 de la nouvelle Loi sur l'encouragement de l'enfance et de la jeunesse -LEEJ). La CFEJ a pour mandat d'observer et d’analyser la situation des enfants et des jeunes en Suisse, de vérifier si la LEEJ tient suffisamment compte de la situation de vie des enfants et des jeunes et d’examiner, avant leur édiction, les conséquences pour les enfants et les jeunes des lois et des ordonnances importantes qui concernent la politique de l'enfance et de la jeunesse. En plus, la CFEJ a le mandat de sensibiliser l'opinion publique aux attentes et aux besoins des enfants et des jeunes. En tant que commission extra-parlementaire et organe consultatif du Conseil fédéral en matière de politique de l'enfance et de la jeunesse, la CFEJ dispose d’une certaine indépendance vis-à-vis du gouvernement et de l’administration. La CFEJ, dont les membres sont nommés par le Conseil fédéral, peut ainsi décider des priorités thématiques et du contenu de ses prises de position, rapports, recommandations et propositions. Par contre, la CFEJ n’est pas habilitée à recevoir des plaintes ou requêtes qui concernent des affaires individuelles de violation des droits de l’enfant.

Il convient enfin de rappeler que le Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH), qui a été créé en tant que projet-pilote universitaire d’une durée de cinq ans, ne représente pas une Institution nationale indépendante pour les droits humains au sens des Principes de Paris. Le CSDH ne dispose en effet pas de base juridique, n’est pas indépendant de l’Etat, dispose d’insuffisamment de moyens d’action propres et de ressources, et n’est pas accessible aux individus ou groupes d’individus. Le CSDH ne peut donc pas être considéré, dans sa forme actuelle, comme offrant une réponse adéquate à la recommandation du Comité des droits de l’enfant de mettre en place une institution nationale de défense des droits de l’homme investie de la responsabilité de promouvoir et protéger les droits des enfants.

En conséquence, aucune entité fédérale ou cantonale ne remplit actuellement les critères pour devenir membre du Réseau européen des médiateurs pour enfants (ENOC). L’adhésion à l’ENOC est réservée aux institutions indépendantes des droits de l'enfant des Etats membres du Conseil de l’Europe qui remplissent l’ensemble des critères qui sont posés par les statuts de l’ENOC. Les institutions doivent notamment être établies par une loi qui est approuvée par le Parlement et qui garantit son indépendance. Elles doivent avoir pour fonction de protéger et promouvoir les droits des enfants et disposer de la compétence d’organiser leur propre programme en lien avec leur mandat. En plus, les institutions doivent compter au moins une personne identifiable dont la mission est exclusivement consacrée à la protection et à la promotion des droits des enfants. La législation doit contenir des dispositions concernant la désignation des personnes exerçant le mandat d’ombudsman, ainsi que la durée du mandat.

Interactions entre les niveaux fédéral et cantonal

En Suisse, les compétences matérielles en matière de politique de l’enfance et de la jeunesse sont réparties entre la Confédération et les cantons, avec toutefois une majorité d’attributions cantonales. Il est donc logique que les cantons aient également un rôle de surveillance important à jouer dans l’application de la CDE. Dans les cantons qui disposent d’un médiateur ou d’une médiatrice indépendant-e, un mandat spécifique pourrait être attribué à cette institution. Ces entités font le lien entre la société civile et l’administration cantonale.

Les institutions de défense des droits de l’enfant se trouvent à l’intersection entre les entités de surveillance internationales (par exemple les organes de traités de l’ONU), nationales (par exemple les Institutions nationales indépendantes des droits humains) et régionales (par exemple les médiateurs ou médiatrices cantonaux). Les processus de décentralisation et de fédéralisation façonnent ainsi le statut légal, l’indépendance et les pouvoirs des Ombudsmans pour enfants qui ont le potentiel d’opérer en tant qu’interfaces entre les différents niveaux de gouvernance concernés par les normes, la mise en œuvre et la surveillance des droits de l'enfant.

Une étude publiée par l’UNICEF en 2013 sur les Ombudsmans pour les droits de l’enfant distingue quatre catégories d’institutions selon leur présence au niveau local au national et les différentes interactions entre les différents niveaux (p. 102):

  • Institutions nationales avec quelques activités au niveau local
  • Institutions nationales avec des bureaux régionaux au niveau local
  • Institutions nationales qui coexistent avec des institutions autonomes au niveau infranational
  • Institutions autonomes indépendantes qui coexistent au niveau provincial, régional ou municipal

Le modèle qui pourrait le plus prendre en compte le contexte particulier du fédéralisme en Suisse serait la coexistence d’une Institution nationale au niveau fédéral avec des institutions autonomes au niveau cantonal. Un tel arrangement aurait l’avantage de permettre la surveillance de l’application des droits de l’enfant tant au niveau fédéral que dans les cantons, en mettant en place des formes de collaboration et de réseautage entre les différentes institutions.

Une institution intégrée à une INDH ou spécifique pour les droits de l’enfant?

Dans les cantons, pour la majorité des cas, les instances qui répondent à des plaintes individuelles sont différentes de celles qui entreprennent des activités de plaidoyer. Le fait de pouvoir combiner ces deux types d’activité au sein d’une même institution est considéré comme un aspect crucial de leur fonction par les ombudsmans pour enfants en Europe. La majorité d’entre eux combine de fait le travail de plaidoyer avec le pouvoir d’intervenir dans des cas individuels. Les cas individuels sont considérés comme un aspect important de leur travail, non seulement parce qu’ils permettent de résoudre des problèmes concrets, mais aussi parce que les connaissances des problématiques rencontrées dans les cas individuels donnent des impulsions et une crédibilité au travail de plaidoyer général.
Dans la pratique, deux modèles d’organisation de ces institutions existent. Dans certains pays, comme par exemple la Grèce ou la Communauté Autonome de Catalogne en Espagne, une structure spécialisée a été créée au sein de l’institution nationale généraliste de défense des droits de l’homme avec des attributions particulières en matière de défense et de promotion des droits de l’enfant. D’autres pays, tels que la Norvège ou les Pays-Bas, se sont dotés d’institutions indépendantes spécialisées dans la surveillance des droits fondamentaux des enfants ou d’un-e médiateur/médiatrice ou commissaire pour les droits de l’enfant.

La plupart des membres de l’ENOC sont des institutions spécialisées, et c’est aussi ce dernier modèle qui est préféré par le Comité des droits de l’enfant. Pour le Comité, le souci que cette institution «ait la capacité de surveiller, promouvoir et protéger les droits de l’enfant dans l’indépendance et avec efficacité » (Observation générale No 2) prime sur la structure – en tant qu’institution autonome de défense des droits de l’enfant ou intégrée dans une institution indépendante disposant d’un mandat plus large de défense des droits humains.

Dans le cadre de la réflexion qui est actuellement en cours pour éventuellement créer en Suisse une Institution nationale indépendante des droits humains, il est important de suffisamment prendre en compte les spécificités liées à la surveillance des droits de l’enfant. Une option serait de créer, au niveau fédéral, une structure de défense des droits de l’enfant qui serait intégrée comme sous-structure d’une Institution nationale indépendante des droits humains. Dans pareil cas, des garanties suffisantes devraient être données pour que la sous-structure dédiée aux droits de l’enfant ait suffisamment de capacité pour surveiller, promouvoir et protéger les droits de l’enfant avec efficacité et en toute indépendance, non seulement vis-à-vis de l’état mais aussi vis-à-vis de l’institution généraliste. Il faudrait pour cela prévoir, par exemple, une base légale, un financement et une gouvernance qui lui seraient propres.

Conclusion

Il n’existe pas, au niveau fédéral, une structure indépendante chargée de surveiller l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant à travers le traitement de plaintes individuelles, de travail de plaidoyer ou d’enquêtes. Cette lacune pourrait cependant être comblée par le biais d’une Institution nationale indépendante des droits humains. Dans la discussion, nous avons soulevé l’importance que pourrait revêtir une telle institution si elle venait à voir le jour et à la condition qu’elle prenne suffisamment en compte les spécificités liées à la surveillance des droits de l’enfant. Elle pourrait par exemple comporter une sous-structure suffisamment robuste destinée à la défense des droits de l’enfant. Une attention particulière devra également être donnée à la collaboration entre cette institution et des entités existantes dans le domaine du plaidoyer, entre autres la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse ainsi que le Réseau suisse des droits de l’enfant. L’expertise dans ce domaine des associations d’avocat-e-s pour enfants pourrait également être mise à contribution pour que le traitement des cas individuels soit le mieux adapté possible aux enfants et aux jeunes. Enfin, les organes de financement de la recherche ainsi que l’Office fédéral de la statistique devront être encouragés à développer davantage la recherche et la récolte de données dans le domaine de la politique de l’enfance et de la jeunesse.

Une bonne coordination avec les cantons serait de plus une condition absolument nécessaire. Les cantons disposent d’une grande diversité d’acteurs qui collaborent à la mise en œuvre des droits de l’enfant. La plupart des cantons se sont ainsi dotés de structures pour coordonner la politique cantonale de l’enfance et la jeunesse. Par contre, peu de cantons ont créé des mécanismes ou structures indépendants de surveillance des droits de l’enfant. Seuls cinq cantons ont mis en place un médiateur ou une médiatrice, permettant aux mineur-e-s de porter des cas individuels à l’attention d’une instance indépendante. Ces Ombudsmans parlementaires cantonaux semblent pour l’instant avoir donné peu de visibilité à la protection des droits de l’enfant et pourraient renforcer leurs activités dans ce domaine. Les activités de plaidoyer en matière des droits de l’enfant sont actuellement entreprises par des services cantonaux ou par des organes de conseil, qui ne disposent en règle générale pas d’une base légale, ni de ressources suffisantes pour garantir leur indépendance. Finalement, afin de mieux saisir les enjeux et les possibilités de mettre en place des entités de surveillance des droits de l’enfant adaptés à chaque canton, des études approfondies devraient être menées dans chaque canton avec l’implication des acteurs locaux et la participation des enfants et jeunes.

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