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Illicéité du transfert «Dublin» vers la Grèce

Le TAF, dans son arrêt D-2076/2010, s’aligne sur la jurisprudence de la CourEDH en déclarant le transfert d’un requérant d’asile afghan vers la Grèce illicite en raison des carences que connaît ce pays en matière de procédure d’asile.

Abstract

Auteure : Dieyla Sow

Publié le 26.10.2011

Pertinence pratique

  • Reprise par le Tribunal administratif fédéral de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l‘homme, en particulier de l’arrêt M.S.S. c. Belgique et Grèce.
  • Pratique avérée de violation des normes de droit international par la Grèce en lien avec la détention des requérants d’asile, les conditions d’accueil et l’accès à la procédure d’asile.

Dans l’arrêt D-2076/2010 du 16 août 2011, le Tribunal administratif fédéral (TAF) se prononce sur la situation d’un requérant d’asile afghan arrivé en Suisse après avoir séjourné en Grèce. L’Office fédéral des migrations (ODM) a rendu à son encontre une décision de non-entrée en matière en vertu de l’art. 34 al. 2 let. d LAsi. Au vu des critères énoncés au chapitre III du règlement Dublin II, la Grèce apparaît en effet comme responsable de la demande d’asile de l’intéressé. Lors de son séjour en Grèce, le recourant a reçu une carte rose (carte de légitimation autorisant à séjourner légalement en Grèce durant six mois) des autorités grecques ; néanmoins son expulsion a vraisemblablement été prononcée avant même qu’il n’ait pu exposer ses motifs d’asile devant les autorités grecques. De l’avis du TAF, son récit correspond au phénomène vécu par un grand nombre de requérants d’asile en Grèce endurant les graves défaillances de ce pays en matière d’asile, tant sur les plans procédural qu’institutionnel.

Le TAF affirme que la pratique avérée de violation des normes de droit international par la Grèce en lien avec la détention des requérants d’asile, les conditions d’accueil et l’accès à la procédure d’asile fait disparaître, pour le cas de la Grèce, la présomption prévue expressément par le règlement Dublin II selon laquelle tous les membres sont des pays sûrs et respectent le principe de non-refoulement. Les autorités suisses ont par conséquent un devoir accru d’aider le requérant à apporter la preuve de son exposition à un risque sérieux (violation des art. 3 et 13 CEDH notamment), ce que l’ODM n’a pas fait en l’occurrence. Au vu des carences des autorités grecques et de la vulnérabilité particulière du recourant (analphabétisme et problèmes de santé), le TAF conclut que son transfert constituerait une violation tant de l’art. 3 que de l’art. 13 CEDH de la part de la Suisse. Il renvoie ainsi la cause à l’ODM afin que l’Office fasse application de la clause de souveraineté prévue à l’art. 3 par. 2 du règlement Dublin II et entre en matière sur la demande d’asile du recourant.

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