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Les entretiens visant à tester l’aptitude de personnes candidates à la naturalisation doivent être annoncés au préalable

Dans un arrêt 1D_3/2013 du 14 février 2014, le Tribunal fédéral (TF) reconnaît une violation du droit à une procédure équitable

Abstract

Auteure : Dieyla Sow

Publié le 05.06.2014

Pertinence pratique :

  • Rappel des principes procéduraux régissant la procédure de naturalisation: notamment le principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.), le droit à une procédure équitable (art. 29 al. 1 Cst.) et le droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.).
  • Lorsque les commissions de naturalisation veulent faire passer des tests de connaissances lors d’un entretien de présentation, elles doivent l’indiquer explicitement dans la convocation.

Un couple et leurs deux enfants voient leur demande de naturalisation ordinaire refusée à la suite d’un entretien, dit de présentation, devant la commission de naturalisation de la commune zurichoise de Weiningen. Pour appuyer son refus, le conseil communal avance un manque d’intégration et de familiarité aux us et coutumes locaux. En outre, les parents ne maîtriseraient pas assez bien l’allemand et n’auraient pas su répondre à des questions simples de géographie et de civisme. Suite à la confirmation du refus par le Tribunal administratif cantonal, la famille fait recours auprès du Tribunal fédéral (TF) qui leur donne raison dans un arrêt du 14 février 2014 (1D_3/2013).

Les recourants font principalement valoir une violation du droit à une procédure équitable selon l’art. 29 al. 1 Cst. et se plaignent d’avoir été conviés à un entretien de présentation lors duquel, de façon inattendue, des questions de connaissances suisses et locales leur ont été posées.

La procédure de naturalisation doit respecter des garanties de procédure

Le TF rappelle à cette occasion que toute procédure de naturalisation, en dépit d’une certaine composante politique, entraîne des décisions visant le statut juridique de particuliers, si bien qu’une telle procédure ne peut se dérouler en dehors du droit. Les autorités communales sont libres de prévoir les procédures par lesquelles elles jugeront de l’aptitude des personnes candidates à être naturalisées et bénéficient ainsi d’un certain pouvoir d’appréciation. Toutefois, elles sont tenues de respecter les garanties de procédure, tels le droit d’être entendu, l’obligation de motiver le refus (explicitement garanti à l’art. 15b LN) et le droit d’être préalablement informé des étapes de la procédure susceptibles d’influencer la décision. Sans oublier le principe de la bonne foi garanti par l’art. 5 al. 3 Cst., en tant que composante du droit à une procédure équitable.

Obligation d’annoncer les tests de connaissance

En l’occurrence, la lettre d’invitation à un entretien adressée à la famille candidate à la naturalisation se présentait comme une invitation à «faire connaissance» pour connaître les motifs à l’appui de la demande de naturalisation. L’examen de l’aptitude des recourant-e-s n’était aucunement annoncé. Sur la base du courrier qui leur a été adressé et compte tenu du stade précoce de la procédure, les recourant-e-s ne pouvaient pas s’attendre à être interrogé-e-s sur leurs connaissances suisses et locales (notamment en matière de géographie ou d’institutions politiques) lors de ce premier entretien, ni se douter que celui-ci allait prendre la forme d’un véritable examen. Le TF admet d’ailleurs qu’il est courant que les personnes candidates à la naturalisation se préparent avant de tels tests, à la manière d’un examen scolaire, et que leur annonce permet également aux personnes de s’y préparer mentalement et d’éviter les trous de mémoire. Par conséquent, les autorités ont l’obligation d’annoncer préalablement de tels tests de connaissance, ce qui, en l’occurrence, a fait défaut. Le manque d’indication du véritable but de cet entretien a eu des conséquences juridiques directes en l’espèce, puisque c’est sur la base de celui-ci que la demande de naturalisation a été rejetée. Aucun élément particulier ne venant justifier ce défaut d’information, la commune a agi en violation du principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.) sous son aspect procédural, du droit à une procédure équitable (art. 29 al. 1 Cst.) et du droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.). C’est ainsi que la cause est renvoyée à la commune afin qu’elle poursuive la procédure nécessaire et rende une nouvelle décision.

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