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Le droit de l’enfant de maintenir des relations avec son/ses parent(s) incarcéré(s)

Ménager les relations parent-enfant en prison et repenser le système judicaire des adultes à titre préventif

Abstract

Auteure : Paola Riva Gapany

Publié le 01.02.2012

Pertinence pratique :

  • L’article 9 al. 3 et 4 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (CDE) stipule que l’enfant a le droit des maintenir des relations régulières avec le parent incarcéré, sauf si cela est contraire à son intérêt supérieur. Cet intérêt est rarement pris en compte lors:
    - de l’arrestation et détention préventive du parent,
    - du jugement du parent,
    - des visites de l’enfant à son parent détenu,
    - de la cohabitation mère/enfant en prison.
  • Garantir l’intérêt supérieur de l’enfant d’un parent incarcéré permet d’agir préventivement contre le risque que l’enfant ne commette lui-même des infractions.

L’article 9 al 3 et 4 de la Convention des droits de l’enfant traite du droit de l’enfant séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec eux. Il garantit également le droit d’être régulièrement informé sur le lieu où se trouvent le(s) membre(s) de la famille, à moins que la divulgation de ces renseignements ne soit préjudiciable au bien-être de l’enfant.

Deux cas de figures illustrent cet article:

  • Enfant incarcéré avec un des deux parents:
    En Suisse si des enfants entre 0 et 3 ans peuvent être placés en prison avec leur mère en vertu de l’article 80 du Code Pénal (CP), la cellule devrait être évitée tout comme les contacts directs avec les autres détenues. L’autonomie grandissante de l’enfant et sa socialisation, doivent être prises en considération, afin de préparer progressivement l’enfant à la séparation d’avec sa mère. Ceci en application du droit d’être informé (art. 17 CDE), du droit de participer (art. 12 CDE) et du respect de son intérêt supérieur lors de la décision (art. 3 CDE).
  • Enfant visiteur:
    La plupart des enfants souhaitent maintenir une relation avec le parent emprisonné. Cependant l’emprisonnement d’un parent aura un impact sur l’enfant, quel que soit son âge: éclatement de la famille, voire du couple parental, déménagement, aménagement d’une vie sans l’autre etc.

Défaults

Le système judiciaire basé sur la responsabilité, la punition et la réinsertion de l’auteur(e) adulte ne prend pas en compte l’enfant, et son intérêt supérieur. Ceci est vrai durant toute la procédure. Depuis l'arrestation jusqu'à la période suivant la libération du parent, les droits participatifs et le droit d’être informé de l’enfant ne sont en général pas respectés:

  • En procédant à une arrestation, la police devrait éviter d’arrêter le suspect en présence de ses enfants;
  • La détention provisoire du prévenu provoque chez les enfants un grand nombre de problèmes semblables à ceux engendrés par l'emprisonnement à la suite du jugement et parfois même plus sévères, lors d'interdiction de contacts entre parent et enfant ;
  • Lors du jugement, les juges devraient tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, alors que selon l’article 47 CP, la situation personnelle de l’auteur(e) est considérée pour fixer la peine;
  • L’architecture du bâtiment, parloir, attitude du personnel et absence d’intimité rendent le droit de visite de l’enfant en prison rébarbatif.

Les enfants de parents détenus vont être stigmatisés et discriminés. Ils sont punis indirectement par la faute du parent: à l’école par l’aménagement du droit de visite et les moqueries des camarades, dans leur vie sociale en fonction notamment de l’infraction du parent et dans la vie familiale par un manque de ressources financières.

Prévention

Les enfants dont les parents ont été emprisonnés ont plus tendance à commettre eux-mêmes des actes criminels ou asociaux. Maintenir des relations avec le parent incarcéré permet d’atténuer ce risque. Des alternatives à la prison en application de l’article 3 CDE devraient également être envisagées.

Comment minimiser l’incarcération du parent?

  • Est-ce que la privation de liberté est vraiment nécessaire?
  • Est-ce que l’intérêt supérieur de l’enfant a été pris en compte lors du jugement?
  • Peut-on éviter la séparation de l’enfant avec son parent sans causer un risque trop grave à la société et tout en réparant le mal commis?

Deux intérêts s’affrontent: l’intérêt supérieur de l’enfant, d’être élevé avec son parent dans un lieu propice, versus l’intérêt et la sécurité de la société de voir un(e) coupable condamné(e).

Le Comité des droits de l’enfant

La journée de discussion générale du Comité des droits de l’enfant du 30 septembre 2011 sur les enfants de parents incarcérés a mis en valeur des exemples positifs. Venant d’Afrique du Sud et du Brésil, ceux-ci présentent des alternatives à la prison, comme par exemple l’assignation à résidence, le patronage avec travaux d’intérêt général ou le système jours dehors et nuits en prison. Ces systèmes s’appliquent à certaines infractions uniquement et à certains auteurs, sous contrôle régulier de l’intérêt supérieur de l’enfant. Ces alternatives existent également en Suisse, mais sont rarement appliquées dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Conclusion

Pour garantir l’intérêt supérieur de l’enfant, ce dernier a le droit d’être entendu sur toute question l’intéressant. Maintenir des relations personnelles avec ses deux parents, dans un lieu de vie approprié est fondamental pour un développement harmonieux de l’enfant. En application des articles 3, 9 et 12 CDE, ainsi que de l’article 80 CP, les systèmes judiciaire et pénitentiaire des adultes doivent être améliorés afin de mettre l’enfant et sa dignité au cœur des décisions. Cette nouvelle attitude contribuera également à prévenir la délinquance juvénile.

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