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Lutte contre l'exploitation par le travail
Recommandations du Conseil de l'Europe à la Suisse
Abstract
Dans son deuxième rapport d’évaluation sur la Suisse, le Groupe d’expert-e-s sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) note les progrès accomplis par la Suisse mais aussi les nombreux défis qui restent à relever dans la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. L’exploitation par le travail faisait l’objet d’une attention particulière lors de cette évaluation. Elle est également au centre de recherches approfondies menées par le CSDH dans le cadre de l’axe de recherche « Droits fondamentaux au travail ».
Dans son deuxième rapport sur la Suisse publié le 9 octobre 2019, le GRETA a formulé plusieurs recommandations aux autorités suisses afin de satisfaire pleinement aux obligations juridiques découlant de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. Il s'agit en particulier de la prévention et de la poursuite de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail ainsi que de la protection des victimes de cette forme de traite,
Prévention
Selon les expert-e-s du Conseil de l’Europe, les autorités suisses doivent intensifier leurs efforts pour prévenir la traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail, notamment :
- en sensibilisant les migrant-e-s à cette forme de traite ;
- en renforçant la formation des inspecteurs et inspectrices du travail et des procureur-e-s chargé-e-s de cas d’exploitation par le travail (recommandation nécessitant une action immédiate de la Suisse) ;
- en étendant le mandat des inspecteurs et inspectrices du travail à cette forme de traite et en renforçant leurs capacités à cet égard (recommandation nécessitant une action immédiate de la Suisse) ;
- en mettant en place des mécanismes pour permettre aux travailleurs et travailleuses migrant-e-s de porter plainte contre des employeurs et employeuses qui ne respectent pas le droit du travail sans crainte de voir leurs données transmises aux services de l’immigration.
Protection des victimes
Le GRETA recommande aux autorités suisses d’améliorer la détection de manière « proactive » des victimes de traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail, notamment :
- en veillant à ce que des syndicats et d’autres acteurs et actrices concerné-e-s soient intégrés aux tables rondes cantonales (recommandation nécessitant une action immédiate de la Suisse) ;
- en veillant à ce que le délai de rétablissement et de réflexion selon la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains soit octroyé à toute victime potentielle, quel que soit le type d’exploitation.
Poursuite pénale
En matière de droit pénal, les expert-e-s du Conseil de l’Europe exhortent les autorités helvétiques à :
- préciser la notion d’exploitation par le travail à l’article 182 du code pénal en mentionnant explicitement le travail forcé, l’esclavage, les pratiques analogues à l’esclavage ainsi que la servitude ;
- définir les paramètres et les éléments constitutifs de l’exploitation par le travail afin de parvenir à une interprétation uniforme de l’article 182 du code pénal par les tribunaux et les ministères publics.
Recherches
Par ailleurs, le GRETA invite les autorités suisses à mener et à encourager des recherches supplémentaires s’agissant en particulier de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail. Dans ce sens, le CSDH mène actuellement une étude empirique auprès d’acteurs et actrices clés en matière de détection des victimes et de la poursuite pénale de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation du travail, portant notamment sur les éléments de définition de l’exploitation par le travail au sens de l’article 182 du code pénal. Cette étude empirique se base sur une analyse préalable par le CSDH de l’appréhension juridique de l’exploitation du travail par les autorités judiciaires suisses, ainsi que sur une étude exploratoire réalisée en 2016 par le Forum suisse pour l’étude des migrations et de la population (SFM) de l’Université de Neuchâtel. Le CSDH sera ainsi en mesure de contribuer à la définition des « paramètres et éléments constitutifs de l’exploitation par le travail » selon la recommandation du GRETA dans son dernier rapport.
Enfin, d’autres recommandations du GRETA visent de manière générale la traite des êtres humains et englobent dès lors l’exploitation par le travail comme forme de traite. Il s’agit notamment, parmi beaucoup d’autres, de l’amélioration de l’assistance aux victimes exploitées à l’étranger mais identifiées en Suisse et de la mise en place dans tous les cantons d’une procédure formelle d’identification des victimes, en particulier des enfants.
Le rapport du GRETA mentionne en outre deux études en cours du CSDH sur mandat de fedpol qui concernent les dispositifs de lutte anti-traite (visant toutes les formes d’exploitation) des 26 cantons et la traite des enfants.