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Nouvelle jurisprudence relative à l’art. 50 LEtr et rétrospective des décisions passées

Des mariages successifs ne peuvent pas s’additionner pour remplir la condition des trois ans de l’art. 50 al. 1 let. a de la Loi sur les étrangers

Abstract

Auteure : Nathalie Christen

Publié le 05.06.2014

Pertinence pratique :

  • Le Tribunal Fédéral précise qu’un seul mariage peut être pris en compte pour la durée de l’union conjugale requise à l’art. 50 al. 1 let. a LEtr
  • Retour sur les décisions capitales relatives à l’art. 50 LEtr

Nouvelle décision portant sur l’art. 50 al. 1 let. a LEtr

Le Tribunal fédéral (TF) a rendu une décision en séance publique sur l’art. 50 al. 1 let. a de Loi sur les étrangers (LEtr), relative à la durée de l’union conjugale pour que la personne étrangère puisse conserver son droit de séjour. Il s’agit des causes jointes 2C_773/2013 et 2C_873/2013 du 25 mars 2014, dont l’état de fait est similaire. Il est question de deux ressortissants étrangers (un Kosovar et un Bengali) qui ont obtenu une autorisation de séjour suite à un premier mariage avec une Suissesse. Ils ont divorcé, puis se sont remariés avec une autre Suissesse, avant de se séparer à nouveau. Aucune des relations n’a duré trois ans, mais le cumul des deux mariages dépasse cette limite significative pour permettre la prolongation du droit de séjour de l’étranger après dissolution de l’union conjugale selon l’art. 50 al. 1 let. a LEtr. Le TF déboute les intéressés et précise que pour pouvoir se prévaloir de cette disposition, l’étranger doit comptabiliser trois ans de mariage avec la même personne, deux unions successives ne s’additionnant pas en terme de durée. Il est encore intéressant d’ajouter qu’un juge fédéral est toutefois d’avis contraire et soutient que la loi comporte une lacune n’empêchant pas de considérer que la condition des trois ans puisse être remplie par deux mariages successifs.

Récapitulatif de la jurisprudence relative à l’art. 50 LEtr

Depuis l’entrée en vigueur de la LEtr le 1er janvier 2008, le TF a apporté un nombre important de précisions relatives à l’interprétation de l’art. 50 LEtr, disposition clé dans le dispositif juridique du regroupement familial.

Trois ans de vie commune et intégration réussie

Pour fonder l’octroi de l’autorisation de séjour sur l’art. 50 al. 1 let. a LEtr après dissolution de la famille, l’union conjugale doit avoir duré au moins trois ans et l’intégration de la personne étrangère doit être réussie. Le TF a précisé que seul le temps de vie commune passé en Suisse était déterminant dans le calcul des trois ans (ATF 136 II 113), afin notamment de répondre à l’exigence de l’intégration réussie. Les deux conditions mentionnées à la lettre a sont donc cumulatives. De plus, le délai de trois ans est un délai absolu, auquel il ne peut être dérogé même pour quelques jours (TF 2C_735/2010 du 01.02.2011 ; ATF 137 II 345). La relation avant le mariage n’est pas prise en compte dans le calcul des trois ans (ATF 137 II 1), mais des séjours à l’étranger pendant le mariage n’influencent pas sur la durée de la vie commune, tant que l’intéressé peut faire valoir trois ans effectifs en Suisse (TF 2C_430/2011 du 11 octobre 2011).

Raisons personnelles majeures

La lettre b de l’art. 50 al. 1 LEtr permet de régler les situations qui n’entrent pas dans le champ d’application de la lettre a et d’éviter ainsi des cas de rigueur liés à la dissolution de la famille. Elle prévoit donc que le séjour en Suisse peut se poursuivre si des raisons personnelles majeures l’imposent. L’art. 50 al. 2 LEtr donne des exemples de raisons personnelles majeures bien qu’il ne s’agisse pas d’une liste exhaustive. À l’origine, les raisons énoncées étaient la violence conjugale et la réintégration fortement compromise dans le pays de provenance. A ce sujet, le TF a précisé qu’il ne s’agissait pas de conditions cumulatives, et qu’elles pouvaient chacune isolément constituer une raison personnelle majeure en fonction de leur importance. Leur addition impose toutefois la reconnaissance d’un cas de rigueur (ATF 136 II 1 et 137 II 1). Concernant la violence conjugale, il faut qu’elle soit réelle, constante et d’une certaine intensité pour être reconnue comme raison personnelle majeure. Toute forme de violence doit être analysée, qu’elle soit physique ou psychique (ATF 138 II 229).

Depuis le 1er juillet 2013 et l’entrée en vigueur de la loi fédérale concernant les mesures de lutte contre les mariages forcés (RO 2013 1035), «un mariage conclu en violation de la libre volonté d’un des époux» constitue une raison personnelle majeure pouvant mener à l’octroi d’un titre de séjour à la personne étrangère. Le décès du conjoint suisse ou titulaire d’une autorisation d’établissement constitue également une raison personnelle majeure. Le TF a posé une présomption réfragable en ce sens, délivrant ainsi les veuf-ve-s du fardeau de la preuve de l’existence d’un cas de rigueur dans leur situation personnelle (ATF 138 II 393).

Enfin, plus récemment (voir Newsletter no 12), le TF a précisé que l’art. 50 LEtr ne s’applique qu’en cas de séparation du couple, et non lorsque la relation est intacte et peut être vécue telle quelle dans le pays d’origine.

Commentaire

L’art. 50 LEtr s’est façonné au gré des décisions du TF, que l’on retrouve en partie ci-dessus. La majorité des décisions rendues concerne la lettre b. Il ressort clairement de la pratique des tribunaux que la lettre a ne concerne que les relations ayant duré plus de trois ans, excluant ainsi toute exception. La dernière décision rendue à ce sujet confirme encore cette tendance (2C_773/2013 et 2C_873/2013 du 25 mars 2014). Les contours de l’art. 50 LEtr semblent aujourd’hui bien définis, mais la liberté d’appréciation laissée aux juges, en particulier par l’art. 50 al. 1 let. b LEtr, ainsi que l’étendue des situations qui peuvent se présenter risquent d’apporter encore des précisions sur l’application de cette disposition.

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