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Renforcement du système onusien des organes de traités relatifs aux droits humains
Approbation par l’Assemblée générale d’un train de mesures
Abstract
Auteure : Andrea Egbuna-Joss
Pertinence pratique :
- Dorénavant, les rapports étatiques destinés aux organes de contrôles des traités de l’ONU seront rédigés sur la base d’une liste de thèmes établis par le comité concerné (suivant la convention). Les comités transmettront ces listes aux Etats parties de façon ponctuelle avant la procédure d’examen (procédure simplifiée de présentation des rapports). Les rapports seront ainsi plus brefs et plus précis.
- Les comités siégeront plus longtemps afin de rattraper le retard accumulé dans l’examen des rapports et d’éviter l’apparition de nouveaux retards.
- Ces mesures seront essentiellement financées par des économies réalisées sur les frais d’impression et de traduction.
- La Suisse a accepté la procédure simplifiée pour les rapports qu’elle présente à deux comités et il est probable que tous les autres organes introduiront ce mécanisme ces prochaines années. En conséquence, il sera plus difficile de soumettre des rapports avec des années de retard et les organisations non gouvernementales devront élaborer les rapports alternatifs déjà au moment où les comités dressent leur liste de sujets à aborder si elles entendent exercer une quelconque influence sur la démarche.
Des réformes indispensables
Actuellement, dix comités font partie du système de surveillance des instruments de l’ONU relatifs aux droits humains. Formés d’expert-e-s indépendant-e-s provenant de divers pays, ces organes de traités examinent à intervalles réguliers les rapports que leur soumettent les Etats membres sur l’application des conventions internationales sur leur territoire. Cet examen aboutit à des recommandations sur la façon dont les Etats peuvent résoudre les problèmes détectés et améliorer la protection des droits contenus dans les conventions auxquelles ils sont parties.
A plusieurs égards, ce système menace de s’écrouler. Les Etats doivent rédiger des rapports périodiques pour un nombre croissant de conventions et de protocoles facultatifs. En raison de cette charge accrue de travail, de nombreux pays n’ont pas pu présenter leurs rapports ou ne l’ont fait qu’avec beaucoup de retard. La charge de travail des comités s’est elle aussi beaucoup alourdie, en raison du nombre croissant de pays ayant ratifié les conventions, des rapports qui en sont la conséquence et des recours individuels émanant de personnes particulières. Or, les ressources dont ils disposent n’ont pas ou peu varié.
Les données recueillies par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme faisaient état de plus de 600 rapports en retard en avril 2012. A la même date, les comités accumulaient près de 300 rapports en souffrance. Le délai d’attente moyen qui s’écoulait entre la présentation d’un rapport et son examen allait de deux à quatre ans. Ce même délai oscillait entre 1,5 et 3,5 ans pour les communications individuelles.
La non-conformité des États aux obligations de présentation de rapports et le retard considérable qu’accumulaient les comités dans l’examen de ces rapports et des recours individuels mettaient en péril la crédibilité de l’ensemble du système. Néanmoins, les données recueillies indiquaient aussi que le système, dans ses modalités actuelles, s’effondrerait si tous les Etats membres honoraient leurs obligations et soumettaient tous leurs rapports dans les délais.
Le renforcement du système de surveillance, une démarche de longue haleine
Bien que ces problèmes aient déjà été signalés dans les années 1990 et que la nécessité de réformer le système des organes de traités soit reconnue, c’est seulement depuis une dizaine d’années que des mesures concrètes ont commencé à être sérieusement examinées, à l’initiative du Secrétaire général de l’époque, Kofi Annan. Lorsqu’il s’est avéré que la majorité des membres s’opposeraient à une refonte du système, les travaux se sont concentrés, dans le cadre du processus dit de Dublin, lancé en 2009, sur des propositions susceptibles d’en augmenter l’efficacité. Les consultations menées auprès de nombreux organes ont abouti à la publication en 2012 d’un rapport d’une centaine de pages où la Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Navanethem Pillay, proposait des améliorations concrètes.
Aperçu des principales nouveautés
Le 9 avril 2014, l’Assemblée générale des Nations Unies s’est ralliée à toutes les propositions de son Secrétaire général et a adopté une résolution ad hoc (A/Res/68/268). Celle-ci invite les organes de traités, qui concrétiseront ensuite eux-mêmes les mesures, à:
- continuer de redoubler d’efforts pour accroître l’efficacité, la transparence et l’harmonisation de leurs travaux et échanger leurs bonnes pratiques;
- mettre en œuvre la procédure simplifiée pour tous les comités;
Proposée actuellement par le Comité des droits de l’homme, le Comité contre la torture et le Comité des travailleurs migrants uniquement, cette procédure facultative prévoit que les organes de traités prescrivent, au début de chaque cycle de rapport, des listes de sujets à traiter. Conjuguée à la nouvelle limite du nombre de pages, cette mesure rend les rapports plus concis et plus précis, améliorant ainsi l’efficience de la démarche. - limiter à trois au lieu de six les langues de travail officielles des comités et à ne traduire les documents dans les six langues que sur demande expresse. Cela réduira considérablement les frais;
- affecter les sommes ainsi économisées à une augmentation du temps de réunion, des ressources allouées aux missions sur le terrain et de l’assistance technique des Etats;
- améliorer l’accessibilité des réunions des organes conventionnels en les diffusant sur le Web.
- Pour le reste, le rapport réaffirme l’importance de l’indépendance et de l’impartialité des expert-e-s, condamne tous les actes d’intimidation à leur encontre et invite les Etats à nommer des expert-e-s de haute moralité, compétent-e-s et expérimenté-e-s.
La mise en œuvre progressive de ces mesures commencera probablement tout de suite, car les présidents des comités se réuniront en juin 2014 à Genève pour la planifier. Le Centre suisse de compétence (CSDH) en rendra compte lors d’une journée d’information qui aura lieu à la fin août. De plus amples détails sur l’événement seront prochainement communiqués.
Autres liens et documentations :
-
Résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies A/RES/68/268
-
Réforme de l'Organisation des Nations Unies: mesures et propositions
Rapport de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (pdf, 111 p.)